La petite caboche de poche

Au diable la dictature de la peur réussie, qui nous oblige à croire que la réalité est intouchable et que la solidarité est une maladie mortelle, car notre voisin est toujours une menace et jamais une promesse.

Eduardo Galeano



Un sol est composé d’une grande diversité de vies et de choses inanimées, de matière animale et végétale à différents niveaux de décomposition, de particules rocheuses, de minéraux, d’eau et d’air. Un sol est toujours en formation. Il abandonne sa substance nutritive au vent, à l’eau, aux plantes et se régénère grâce à l’écoulement des rochers, la putréfaction des plantes et des animaux morts, et les activités sans fin de la vie microbienne. Le sol est cette scène dramatique où la vie et la mort se complètent, où la décomposition des uns nourrit la régénération des autres ... L'Homme, quand à lui, exploite la terre qui le nourrit à la manière d’un parasite qui se multiplie jusqu’à ce qu’il tue son hôte.

Murray Bookchin




Le terme "civilisation" signifie tout simplement "vivre dans les cités". Mais quand je parle de civilisation, ce n'est pas pour en faire l'éloge.

Je parles de gens qui vivent dans des villes assez grandes pour nécessiter l'importation de ressources. Ils ont épuisé tout ce que la terre environnante pouvait leur donner. Ils ont besoin de plus. Ils doivent donc aller voir plus loin et prendre ce dont ils ont besoin -nourriture,eau,énergie - pour la bonne raison qu'ils ont épuisé les leurs. Par définition, ils ont ravagé leur territoire. C'est le modèle universel de toute civilisation.

Un centre de pouvoir enflé, entouré de colonies conquises, auxquelles le pouvoir central prend ce qu'il veut.

Tiré du livre "Ecologie et résistance" Tome 1, recueil de textes de divers auteurs, aux Editions libres.




Dans la jeunesse éternelle de la nature, tu peux aussi renouveler la tienne. Pars seul, en silence. Il ne pourra t'arriver aucun mal.

John Muir




Nous voulons simple­ment la vie normale, c’est-à-dire l’exer­cice de la vie, la liberté dans la nature inté­grale. Le salut n’est que dans l’abo­li­tion des villes, foyers perma­nents, inévi­tables, d’épi­dé­mies.

Alfred Marné, dans la revue Le Natu­rien.



Tandis que leur “Progrès” comporte la loco­mo­tive, la bicy­clette, l’au­to­mo­bile, on ne marche plus ; le télé­graphe, le télé­phone, le pneu­ma­tique, plus besoin de se voir ; à leurs aliments, ils ajoutent du fer, de la chaux, du plâtre, de l’ar­se­nic, du soufre ; leur atmo­sphère n’est plus que d’acide carbo­nique chargé des émana­tions de toutes les maisons-labo­ra­toires que sont leurs demeures, et elle est satu­rée des atomes de toutes leurs déjec­tions pulvé­ri­sées.

Et, par la vertu de leur chimie et de leur méca­nique, s’ils deviennent scro­fu­leux, anémiques, épilep­tiques, phti­siques, syphi­li­tiques, cancé­reux, nécrosés, rachi­tiques, para­ly­tiques, culs-de-jatte, bancroches, manchots, aveugles et sourds, mais peu leur importe, ils se déclarent en “Progrès”.

Beau­coup ne voient pas la possi­bi­lité de faire l’en­sai­si­ne­ment de la terre ; cepen­dant aucun des vautours terriens ne possède un contrat de posses­sion du sol signé par la nature, et dans ce cas il faut bien croire que la propriété indi­vi­duelle n’est pas indé­fec­tible, et vu dans quelle putré­fac­tion se trouve la société actuelle, une trans­for­ma­tion est inévi­table, néces­saire ; quand les peuples auront brisé leurs chaînes, que toute la plou­to­cra­tie aura disparu, oh alors, popu­lace, prolé­taires, plébéiens, ceux de la glèbe, vaga­bonds ou parias, quand vous sorti­rez de vos basses-fosses, de vos géhennes, de vos tombeaux, aban­don­nez les villes aux chauves-souris et aux lézards, les machines à la rouille, les mines à l’ébou­le­ment.

Lais­sez l’herbe enva­hir les routes, les lignes de chemins de fer, les rues, les boule­vards, et la vie repa­raî­tra de toute part, les collines rever­di­ront, les monts seront reboi­sés, la terre refleu­rie, et à l’ombre des grands arbres, hommes et femmes, vieillards et enfants, nous irons danser en rond.

Alfred Marné, dans la revue Le Natu­rien.




Tout travail exécuté à la main est bien mieux fait et plus résistant que tout ce qui se fait par des machines quelconques. Aujourd’hui, on connaît le faux, la camelote ; on est toujours pressé, on fait tout à la hâte, et par conséquent, mal.

Les Naturiens veulent l’abandon de la Civilisation et le retour à une vie plus naturelle. Retourner à l’état naturel, n’est pas aller en arrière, au contraire, c’est aller en avant, puisque c’est la marche vers le Bonheur.

N’oublions jamais de penser que ceux que nous appelons avec mépris et dédain, des Sauvages, sont heureux et libres et ne sont pas astreints à travailler dans les plus mauvaises conditions, jour et nuit, des douze et quinze heures de suite. Là où il y a des anthropophages, c’est que la Civilisation (Armée et Clergé, qui, par la Colonisation, amènent l’Esclavage, l’alcoolisme, la syphilis, le vol et le meurtre ) a pénétré, car, tuer, voler ou manger son semblable sont des actes tout à fait CIVILISÉS.

On signale toujours de nombreuses catastrophes de chemins de fer ainsi que des sinistres en mer : la faute en est seule à la Civilisation, car on peut vivre très bien sans luxe, sans voies ferrées ni commerce.

Aujourd’hui presque tous les aliments et boissons sont frelatés. Nous possédons par exemple le bouillon en tubes (pour ne parler que de cela). Comme si cela pouvait être fortifiant, du bouillon chimique et sans goût aussi. Partout, dans tout, la Nature triomphe !.

Le stupide Berthelot, ex-ministre de Publique, dans un discours ultra-scientifique, n’a-t-il pas prétendu qu’avec les progrès constants de la Science, il arriverait un moment où tout individu pourrait se procurer sa nourriture quotidienne sous la forme d’une tablette Chimique !!!... Si ce malheur arrivait (et il n’en faut pas douter, hélas !) alors, adieu le goût, la saveur, adieu la nourriture fortifiante naturelle et variée !

On ne souffre du froid, de la faim, de la chaleur, de la sécheresse, de l’inondation et des épidémies que dans les Sociétés Civilisées. A l’état naturel, ces maux n’existent pas !

Tout individu ne se trouve vraiment bien que dans son pays où il est habitué et constitué pour vivre d’après son propre Climat : donc s’il veut voyager, il est naturel qu’il ait à souffrir des diverses températures, et il n’a pas, par conséquent à traiter la Nature de marâtre, comme beaucoup d’inconscients le font.

Tous les produits de la Terre qui sont exportés, le sont toujours avant leur maturité ; ils perdent non seulement leur goût mais aussi leurs propriétés nutritives, ou tout au moins elles sont considérablement amoindries.

La Civilisation qui pousse à un Progrès meurtrier sans avoir les moyens d’y remédier efficacement, se met par là, bien au-dessous de la Nature qui, à tout poison, a son antidote.

Les journaux politiques et même anarchistes ont la très mauvaise habitude de traiter certains actes de banditisme, du nom de Sauvagerie. Le terme est inexact, car ces actes sont absolument Civilisés.

Henri Beylie, dans la revue Le Natu­rien.




Le territoire actuel est le produit de plusieurs siècles d’opérations de police. On a refoulé le peuple hors de ses campagnes, puis hors de ses rues, puis hors de ses quartiers et finalement hors de ses halls d’immeuble, dans l’espoir dément de contenir toute vie entre les murs suintants du privé. La question du territoire ne se pose pas pour nous comme pour l’Etat. Il ne s’agit pas de le tenir. Ce dont il s’agit, c’est de densifier localement les communes, les circulations et les solidarités à tel point que le territoire devienne illisible, opaque à toute autorité. Il n’est pas question d’occuper, mais d’être le territoire.

Comité invisible, L'insurrection qui vient.



Il n’y a ni bons ni mauvais instincts chez l’homme ; il y a satisfaction ou contrariété des instincts.

"Tout ce qui a lieu est un fait ou un effet."

"Tout effet a une cause."

"Toute, cause a une origine."

Il en a été ainsi à toutes époques, et cette constatation suffirait pour détruire la version "des instincts féroces et sanguinaires de l’homme primitif ".

L’homme est impulsé par différents instincts qui le guident dans la satisfaction de ses besoins. Il y a d’abord l’instinct de la recherche et de la possession des choses qui lui sont nécessaires ; il a l’instinct d’activité et d’ingéniosité ; l’instinct d’abri et de repos ; l’instinct de reproduction ; l’instinct de préservation et sécurité ; l’instinct de sociabilité et l’instinct de liberté.

La Terre est assez vaste et sa production naturelle assez abondante pour permettre à l’humanité entière la complète satisfaction de ses besoins matériels. La totalité peut y vivre à l’aise sans que l’unité en soit lésée ou incommodée. La richesse et la variété des produits terrestres écartent la nécessité d’administration et conséquemment de hiérarchie, et l’harmonie s’établit à la condition que tout soit à la disposition de tous.

C’est là l’état naturel, la situation normale.

A l’état naturel, l’homme qui fait la chasse aux animaux et la cueillette de plantes et de fruits pour son alimentation ne fait qu’obéir à l’instinct de conservation. C’est un acte rationnel. N’étant jamais privé de nourriture et assuré d’en avoir constamment il mange mesurément, guidé en cela par son degré d’appétit.

Emile Gravelle, dans la revue Les naturien.



Dans les années 50 en France, on marchait en moyenne sept kilomètres par jour. Aujourd'hui, à peine trois cents mètres. Nombre de nos contemporains sont encombrés d'un corps dont ils n'ont guère l'usage, sinon pour exécuter quelques tâches dans leur appartement ou pour se rendre à leur voiture et en sortir.

David Le Breton




L'amélioration de la condition humaine sur cette Terre ne se fera pas en invoquant le progrès. Celui-ci est irrémédiablement lié au développement économique et technologique du capitalisme industriel. Attendre de l'avenir la solution aux maux du présent, n'est ce pas s'en remettre à ceux qui détiennent le pouvoir sur cet avenir? ... aux dirigeants politiques, aux chefs d'entreprise, aux experts et aux technocrates à l'origine des problèmes auxquels ils prétendent pouvoir remédier mieux que personne? Croire au progrès constitue le premier obstacle à une tentative d'analyse critique et d'émancipation.

A ceux qui demandent "qu'est ce que vous proposez à la place?" , nous répondrons simplement: nous proposons de penser et d'agir par nous-mêmes à partir de nos propres situations, et à encourager chacun à en faire de même, là où il est.

Extrait de "Réappropriation" de Bertrand Louart, menuisier, ébèniste et auteur au sein de la coopérative internationale Longo Maï





Chaque progrès donne un nouvel espoir, suspendu à la solution d'une nouvelle difficulté. Le dossier n'est jamais clos.

Claude Lévi-Strauss



Le mot progrès n'aura aucun sens tant qu'il y aura des enfants malheureux.

Albert Einstein




Ce qu'on appelle devenir, progrès, développement est le déferlement d'un processus exponentiel non contrôlé.

Edgar Morin



Nous sommes malades de progrès. Il y a hypertrophie du cerveau, et cette victoire des nerfs sur le sang décide de nos mœurs, de notre littérature, de notre époque entière. Nous ne sommes plus même à ces âges classiques, dans le bercement d'une perfection de langage.

Émile Zola



Nous ne sommes pas contemporains de révoltes éparses, mais d'une unique vague mondiale de soulèvements qui communiquent entre eux imperceptiblement. D'une universelle soif de se retrouver que seule explique l'universelle séparation.

Comité invisible



La pollution est l'ombre du progrès.

Sylvain Tesson



La mainmise de l’industrie sur l’agriculture, autant que par le ravage des paysages, se traduit par la disparition des nourritures qui, tout en nourrissant le corps, sont une délectation pour les sens et une joie pour l’esprit.

Bernard Charbonneau



Au fond, je n'ai jamais rencontré, au cours de mes vagabondages, personne plus libre que moi -- libre, à chaque instant, de m'asseoir pour observer des oiseaux et des écureuils, ou de m'absorber dans la contemplation d'une fleur, sans que jamais m'effleure le moindre sentiment de hâte.

John Muir



Jamais sans doute une société n’aura vanté à ce point la jeunesse, comme modèle de comportement et d’usage de la vie, et jamais elle ne l’aura dans les faits aussi mal traitée. Chesterton avait pressenti dans Divorce, que le sens ultime des théories pédagogiques alors les plus avancées, selon lesquelles il convenait de considérer l’enfant comme un individu complet et déjà autonome, était de vouloir « que les enfants n’aient point d’enfance » (Hannah Arendt a redit cela beaucoup plus tard, à sa manière). S’étant débarrassé, avec l’individualité, du problème de sa formation, la société de masse se trouve en mesure de réaliser ce programme, et dialectiquement de le compléter avec ce que l’on a appelé son « puérilisme », en faisant en sorte que les adultes n’aient point de maturité. Les consommateurs étant traités en enfants, les enfants peuvent bien l’être en consommateurs à part entière (« prescripteurs », comme tous les publicitaires le savent, d’une part sans cesse croissante des achats de leurs parents). De tout ce qu’un dressage si précoce à la consommation dirigée entraîne d’infirmités et de pathologies diverses, les honnêtes gens soucieux de « protection de l’enfance » parlent fort peu. Ils se demandent d’ailleurs tout aussi peu comment il se fait que les pervers et les sadiques dont ils s’inquiètent de protéger leurs enfants soient venus à tant abonder, justement dans les sociétés les plus modernes, policées, rationnelles.

Quand on dit que la jeunesse n’a jamais été aussi mal traitée, et non seulement dans ces pays lointains sur le dénuement desquels on s’apitoie, mais ici même, dans les métropoles de l’abondance, on se voit en général opposer le travail des enfants au XIXème siècle, ou bien la mise en apprentissage d’avant-guerre. Comme toutes les images en forme de slogans qui servent à justifier le progrès, celle-ci permet de ne rien dire sur ce que le progrès a effectivement apporté, ou de dire seulement que cela pourrait être pire. En l’occurrence, c’est la scolarité prolongée qui est tenue par postulat pour un bonheur et une conquête au mépris de tous les faits constatables et accablants ; parmi lesquels le moindre est que ces études dites supérieures, auxquelles on ouvre un accès aisé par des taux de réussite au baccalauréat fixés administrativement, ne préparent à rien qui mérite encore le nom de métier. Cela n’est certes pas fait pour entraver le fonctionnement d’une économie moderne, puisqu’on sait qu’on n’y embauche guère que dans cette néo-domesticité des « services », qui va du livreur de pizza à l’animateur socioculturel. Et de toute façon, il importe assez peu qu’on laisse mariner plus ou moins longtemps dans le jus malpropre de l’Education nationale ceux qui seront surtout « élevés à la console de jeux ». Car, pour en revenir aux mauvais traitements, là est l’essentiel : nous voyons grandir les premières générations qui auront été livrées à la vie numérisée sans que ne s’interpose plus rien, ou presque, de ce qui dans les mœurs empêchait encore il y a peu de s’y adapter complètement.

Jaime Semprun



À force, on a compris ceci : ce n’est pas l’économie qui est en crise, c’est l’économie qui est la crise ; ce n’est pas le travail qui manque, c’est le travail qui est en trop.

Comité invisible



Voilà ! La culture est une des bases principales de la spéculation ! A l’état naturel la terre donnant en toutes régions une production spontanée assez abondante et variée pour que chacun y trouve gratuitement la satisfaction de ses besoins, personne ne se croit en situation d’alléguer aucun droit privé, mais, dès qu’il y a labeur, mise en œuvre, emploi de procédés artificiels pour obtenir une production, le droit de propriété prend une apparence de légitimité, et l’individu qui par son travail a concouru à cette production ne consent à s’en désaisir que contre espèces sonnantes ou dons en nature dont il fixe lui-même le chiffre ou l’équivalence.

La culture des plantes originaires n’est nullement nécessaire à la production et au développement de ces plantes. Elle est pratiquée dans le seul but de les rassembler sur un même point afin d’en faire plus rapidement la récolte et d’en spéculer. En ce cas, comme pour les plantes non-originaires, il est procédé par le défrichement à l’élimination de tous arbres et végétaux se rencontrant sur le terrain, consacré à la culture d’un unique produit, et, il s’en suit alors l’exposition directe au soleil, à la gelée, d’une plante qui, originairement, croissait en toute sécurité à l’abri des grands arbres, tandis que privée de cet abri elle est fréquemment détruite par des mouvements atmosphériques qui ne sont nullement des fléaux.

L’homme a donc contrarié le régime de la Nature et dans sa présomption de corriger là Force dont il n’est pourtant que le produit, il s’est à lui-même administré la correction ; mais, tenter d’en faire convenir un civilisé serait puéril. Loin de reconnaître son erreur, il persistera à déclarer que la Nature est une puissance aveugle et féroce, qu’il y va de son intérêt de la dompter et la châtier, et qu’avant le principe du progrès, - son Progrès - la terre était le lieu le plus aride et l’homme l’être le plus grossier que l’on put imaginer.

Or, les traditions et les chroniques les plus lointaines nous parlent cependant de la richesse naturelle constatée - aux époques très peu civilisées, où dans les forêts encore nombreuses, pullulaient les aurochs, les bisons, les buffles aujourd’hui disparus, ainsi que toute la faune connue de nos jours ; où les rivières, pures de l’écoulement des détritus d’usines et des engrais chimiques, regorgeaient de poissons ; où au Moyen-Age encore, le figuier et l’olivier se rencontraient dans les parties septentrionales de la France et la vigne en Artois et en Picardie. - Allez-les y chercher à présent.

Le civilisé répondra à cela, avec autant de suffisance pédante que de niaiserie. "La terre se refroidit !" ; mais il n’accordera point qu’il a lui-même détruit ce qui l’abritait du froid, et refusant de reconnaître l’effet négatif de son "Progrès", il mettra tout le mal accompli sur le compte de la Nature.

Ce serait donc l’œuvre de la Nature qui aurait abattu les forêts, labouré la terre et bâti des habitations dans le lit des cours d’eau ; ce serait elle encore, qui aurait établi le droit de propriété, l’autorité et la domesticité ; ce serait elle aussi qui aurait supprimé aux masses le droit de chasse et récolte, mettant ainsi la grande majorité des hommes dans l’impossibilité de satisfaire leurs besoins les plus essentiels et dans l’obligation d’exercer, au caprice de leurs dirigeants, les industries les plus hostiles à l’organisme pour en obtenir la subsistance.

Il faudrait des volumes pour décrire l’amas d’incohérences établi sous le nom de "civilisation" , et, si à l’examen des maux physiques on constate la responsabilité humaine, pour ce qui est des aberrations mentales qualifiées vices et turpitudes, il en est de même ; mais, toujours dans sa conviction d’être en progrès et loin de voir là le résultat des conditions extra-anormales qu’il a établies, sur ce point le civilisé vous parlera d’atavisme et dénoncera l’héritage de bestialité, que, dit-il, lui a transmis l’homme des premiers âges.

Il est pourtant bien évident que c’est l’Autorité qui a engendré la domination, que l’accaparement par les uns a déterminé la misère pour les autres, que la dépossession a déterminé l’idée de reprise, que l’exaction a déterminé la colère et la haine, et que la colère et la haine poussent aux actes de violence.

Or, quel mobile aurait pu déterminer l’homme primitif à vouloir dominer et accaparer, quel désir de reprise et quels sentiments de colère pouvait-il éprouver ?

[…]

Nombre de moralistes se basant sur l’affreux antagonisme des hommes civilisés et considérant l’humanité actuelle comme un progrès matériel et moral sur l’humanité primitive, en déduisent cette perle fausse :

"L’homme civilisé étant un bien triste individu, quel monstre devait donc être son devancier ?".

Et parce qu’en interrogeant l’Histoire ils constatent à toute époque : le meurtre, l’exaction, la ruine, la tyrannie et l’esclavage, sans tenir compte que dès qu’il y a histoire, il y a civilisation, c’est-à-dire : artificiel superflu, intérêts en jeu, spoliation, inégalité des conditions, luxe et misère, ils crient à l’abomination et déclarent la race humaine, mauvaise de tout temps, sans vouloir reconnaître qu’aux époques historiques lointaines, mais incontestablement civilisées déjà, qu’ils examinent, toutes les causes déterminantes du mal existant, les effets produits n’en étaient que la conséquence logique.

Et aussi parce que l’Histoire nous montre le caractère brutal et sans merci des premières luttes de la civilisation, ils parlent de férocité. Cela n’a guère changé de nos jours et les hécatombes sont mêmes beaucoup plus fortes. Mais si l’homme d’autrefois était plus violent et brutal dans le combat, c’est qu’il était aussi plus vigoureux et moins dissimulé, c’est-à-dire plus près de la Nature. Aujourd’hui il n’ y a plus de corps à corps, on ne passe plus au fil de l’épée ; à huit kilomètres on incendie une cité et ses habitants sont déchiquetés par l’obus à la mélinite.

Comme on le voit, le procédé est beaucoup plus avantageux pour les vaincus et l’adoucissement des mœurs est des plus évident.

Donc nos moralités sont unanimes, à affirmer que plus on remonte à l’origine de l’homme, plus l’homme est féroce. Forts de cette opinion, ils entreprennent l’histoire des temps préhistoriques, et sans hésiter un instant nous renseignent sur les faits et gestes de l’homme à l’âge de pierre, en nous le représentant misérable, bestialement cruel et d’une saleté sordide.

Émile Gravelle, dans la revue Les naturiens.




Ce n’est pas moi qui clame, c’est la terre qui tonne,

Gare à toi, gare, car le diable est devenu dément,

Fuis au fond des sources pures et profondes,

Plie-toi dans la plaque de verre,

Dérobe-toi derrière la lumière des diamants,

Sous les pierres, parmi les insectes rampants,

Ô cache-toi dans le pain frais,

Mon pauvre, pauvre ami.

Infiltre-toi dans la terre avec les pluies nouvelles –

C’est en vain que tu plonges ton visage en toi-même,

Tu ne pourras jamais te laver que dans l’autre.

Sois la lame de la petite herbe,

Et tu seras plus grand que l’axe de l’univers.

Ô machines, oiseaux, feuillages et étoiles !

Notre mère stérile réclame un enfant.

Mon ami, mon amour d’ami,

Que cela soit terrible ou sublime,

Ce n’est pas moi qui clame, c’est la terre qui tonne.


Attila József




Si tu veux te connaître toi-même,

Ouvre les yeux de tous côtés sur l’univers.

Mais si c’est l’univers que tu voudrais connaître,

Jusqu’au fond de toi-même plonge alors ton regard.


Rudolf Steiner




S’il s’agit de la nature, ne nous inquiétons pas, elle est invincible. Ce qui est en voie d’anéantissement, c’est l’éveil au petit matin au-dessus du vignoble embrumé, la plongée de la loutre sous la digue du moulin, le cèpe cueilli dans une futaie où l’on peut se promener sans armes à la main, et le retour le soir vers la maison perdue dans les chênes.

Bernard Charbonneau



Ce monde n’irait pas si vite s’il n’était pas constamment poursuivi par la proximité de son effondrement.

Comité invisible



Épingler un papillon n'est pas la meilleure façon de faire connaissance avec lui. Celui qui transforme le vivant en chose morte, sous quelque prétexte que ce soit, démontre seulement que son savoir ne lui a même pas servi à devenir humain.

Raoul Vaneigem




Le travail est partout où l'on ne fait rien de sa vie.

Raoul Vaneigem, Nous qui désirons sans fin.




Impossible de limiter les dégâts et les souffrances du transport des choses et des hommes sans restreindre la part du Marché mondial et même européen au profit d’une autarcie locale, base matérielle indispensable de toute autonomie et diversité.

Bernard Charbonneau




Dans cette société rien ne marche plus qu’à l’aide de prothèses toujours plus coûteuses et grosses de désastres : c’est jusqu’à la capacité de l’espèce à se reproduire sans recourir à des manipulations de laboratoires qui est entamée

Jaime Semprun, L'abîme se repeuple.




Le temps du travail ignore le poète. Le temps de vivre appartient au poète, qui ignore le travail.

Raoul Vaneigem, Journal imaginaire.



L'idéologie progressiste est totalitaire. Partout où le progressisme est en position de force, il cherche à envahir le moindre recoin de la vie privée et à modeler toute pensée.

Theodore Kaczynski




L'école est partout où nous apprenons à vivre, à restaurer l'instinct de vie que le travail de survie à séculairement transformé en réflexe de mort. Il n'y a pas de connaissance dont nous n'ayons à redécouvrir l'usage dans le projet d'humanisation qui sera celui des siècles à venir.

Chacun a quelque chose à enseigner. C'est pourquoi l’éducation sera faite par tous et pour tous. La synergie des créations implique la fin de la la compétition et de la concurrence, la fin du réflexe prédateur.

Un style de vie est en train d'apparaître. Il naît de la prééminence croissante de la condition humaine sur la condition marchande. Il mise sur la croissance et la propagation d'une volonté de vivre capable de révoquer la peur, la culpabilité, la contrainte et l'ennui par l'exercice de la créativité et l'affinement des voluptés.

Raoul Vaneigem




Un homme qui enseigne peut devenir aisément opiniâtre, parce qu'il fait le métier d'un homme qui n'a jamais tort.

Montesquieu




Enseigner, c'est montrer ce qui est possible. Apprendre, c'est rendre possible à soi-même.

Paulo Coelho




John Adams , le deuxième président des Etats-Unis : " Il y a deux manières de conquérir et d'asservir une nation , l'une est par les armes , l'autre par la dette "


David Graeber




Le secteur de la finance, paradigme de la création des jobs à la con :

Les postes de larbin apparaissent au sein d’une organisation parce que, pour les détenteurs du pouvoir, les subalternes sont des insignes de grandeur. L’embauche du porte-flingue répond à une dynamique de surenchère (si vos rivaux engagent les services d’un cabinet d’avocats prestigieux, vous devez faire de même). Le besoin de rafistoleurs se fait sentir parce qu’on trouve parfois plus compliqué de régler un problème que de gérer ses conséquences. Les cocheurs de case, dans les grosses structures, permettent la production d’une paperasse attestant que certaines mesures ont été prises, une certification souvent vue comme plus important que les mesures elles-mêmes. Quant aux postes de petits chefs, ils sont le corollaire de diverses formes d’autorité impersonnelle.


David Graeber, Bullshit Jobs.





Aujourd'hui, les véritables propriétaires de la richesse piratée, dérivée d'un système économique prédateur, ont mis en place des cadres légaux pour se protéger et échapper à toute responsabilité. Au premier plan de ceux qui font illusion en amassant des richesses figure le monde "numérique" qui exploite les "données", les relations sociales (Facebook) et les économies réelles pour faire du profit. L'argent électronique remplace la richesse authentique des individus ; l'e-commerce évince peu à peu le vrai commerce. On continue certes à produire et distribuer des biens, mais à un coût écologique et social plus élevé. Et pendant ce temps, les économies, les entreprise et les communautés locales disparaissent lentement.

La machine-argent, facilitée par la pensée mécanique, permet à 1 % de la population d'extraire des richesses de la nature et de la société tout en qualifiant son "extractivisme" de "progrès" scientifique, économique et humain. La négation des qualités propres à la nature et à la société -auto-organisation, intelligence, créativité, liberté, potentialité, évolution autopoïétique et non-séparabilité - constitue la base même de la domination, de l'exploitation, de la colonisation, de l'asservissement et de l'extraction qui frappent l'environnement et diverses cultures, les femmes et les populations indigènes, les agriculteurs et les ouvriers en faisant usage de la force brute et de la violence. Il en résulte une crise écologique et humaine marquée par la faim et la pauvreté, le creusement des inégalités, la marginalisation et l'aliénation, le déracinement, l'expropriation et la multiplication des réfugiés. Les systèmes extractifs et linéaires fondés sur la violence sont responsables des inégalités économiques et de la polarisation de la société, avec 1 % de la population d'un coté et 99 % de l'autre, et engendrent de nouvelles formes d'asservissement. Avec eux, la culture du "prêt-à-jeter" et les exterminations ont pris une ampleur inédite.


Vandana Shiva, un pour cent.




La seule façon de renforcer notre intelligence est de n'avoir d'idées arrêtées sur rien, de laisser l'esprit accueillir toutes les pensées.


John Keats




Les choses n'apparaissent pas comme par magie parce que c'est pratique pour vous de penser qu'elles le font. Les choses viennent de quelque part. Ces objets nécessitent du matériel. Il y a des coûts associés à l'extraction de ces matériaux. Ces frais sont payés par quelqu'un. Même si vous voulez vraiment un système de transport en commun à énergie solaire, les matériaux doivent toujours provenir d'un endroit où quelqu'un d'autre a vécu jusqu'à ce que sa maison soit détruite afin que vous puissiez avoir ce que vous voulez.

 Si nous voulons comprendre comment et pourquoi une ville - et par extension, une civilisation industrielle - ne peut jamais être rendue durable, il serait bien d'avoir une définition commune de QU'EST-CE QU'UNE VILLE. Peu de gens (y compris, ironiquement, les urbanistes) comprennent ce qu'est une ville ou comment elle fonctionne.

 Nous définissons une ville comme des personnes vivant dans des densités suffisamment élevées pour nécessiter l'importation régulière de ressources. Cela distingue les villes des villages ou des villes qui soutiennent leurs populations des terres voisines. (Dans le prolongement de cela, une civilisation est un mode de vie défini par la croissance des villes, entre autres caractéristiques telles que l'agriculture, les armées permanentes, les bureaucraties et les hiérarchies de pouvoir injuste.)

 Dès que vous avez besoin de l'importation routinière de ressources pour survivre, deux choses se produisent. La première est que votre mode de vie ne peut jamais être durable, car exiger l'importation de ressources signifie que vous avez dénudé le paysage de ces ressources particulières, et tout mode de vie qui nuit au territoire dont vous avez besoin pour survivre n'est par définition pas durable. Au fur et à mesure que votre ville grandit, vous dénuderez une zone de plus en plus grande pour soutenir la ville.

 Soyons précis : où obtenez-vous des briques pour votre ville ? Où obtenez-vous du bois? Où obtenez-vous de la nourriture? Où trouve-t-on du cuivre pour les fils électriques ? Où vont les eaux usées ? (Eh bien, dans le cas de New York, il était déversé dans l'océan, mais quand cela a été arrêté par l'EPA, New York l'a envoyé au Colorado, et maintenant il l'envoie en Alabama, où, "Cela réduit considérablement la qualité de vie de tous ceux qui se trouvent autour", selon Heather Hall, le maire de Parrish, Alabama. "Vous ne pouvez pas sortir, vous ne pouvez pas vous asseoir sur votre porche, et ce genre de choses, c'est ici dans notre ville.") Où vont les déchets électroniques ? Tout vient de quelque part et va quelque part. Les fées vertes brillantes n'apportent pas de friandises dans la nuit et suppriment simultanément toutes les mauvaises choses.

 C'est un schéma que nous avons vu depuis l'essor de la première ville. Le modèle n'est pas un accident. Ce n'est pas non plus accessoire. C'est ainsi que fonctionnent les villes.

 Un signe d'intelligence est la capacité à reconnaître des modèles. De combien de milliers d'années de villes dévastatrices avons-nous besoin avant de reconnaître ce schéma ?

 C'est une vraie question.

 La deuxième chose qui se passe, c'est que votre mode de vie dépend de la conquête : si vous avez besoin de cette ressource et que les gens d'autres communautés ne vous échangeront pas contre elle, vous la prendrez. Si vous ne pouvez pas le prendre, ou si vous le refusez, votre ville diminuera. C'est encore une fois la façon dont les villes ont fonctionné depuis le début. …

Extrait traduit de l’anglais, du livre « Brigth green lies» («Les grands mensonges verts»)

de Lierre Keith, Derrick Jensen et Max Wilbert.




La volonté de condamner emploie toujours l'arme qu'elle a sous la main.


Gaston Bachelard, La Psychanalyse du feu.




La loi n'a jamais rendu les hommes un brin plus justes, et par l'effet du respect qu'ils lui témoignent les gens les mieux intentionnés se font chaque jour les commis de l'injustice.

Henry David Thoreau, La Désobéissance civile.



La censure, quelle qu'elle soit, me paraît une monstruosité, une chose pire que l'homicide: l'attentat contre la pensée est un crime de lèse-âme. La mort de Socrate pèse encore sur le genre humain.

Gustave Flaubert





Toute bibliothèque est par définition un choix, et son envergure est par nécessité limitée. Tout choix en inclut un autre, celui qui n'a pas été fait. La lecture coexiste de toute éternité avec la censure.



Alberto Manguel

La bibliotheque, la nuit - Alberto Manguel






L'excès d'information équivaut au bruit. Le pouvoir politique dans nos pays l'a bien compris. La censure ne s'exerce plus par rétention ou élimination, mais par profusion. Pour en détruire une nouvelle, il suffit aujourd'hui d'en pousser une autre juste derrière.


Umberto Eco

Interview L'Obs - 17-23 OCTOBRE 1991 /25 - Propos recueillis par ELISABETH SCHEMLA - Umberto Eco






Dans notre époque très féminine, la recherche d'harmonie, la mélasse sentimentale qui nous colle aux doigts pousse à s'excuser sans cesse pour tout et pour rien. On a peur des heurts, on censure les conflits, on cherche la fluidité des rapports humains. Cette niaiserie douce, ce crétinisme de jardin d'enfants fait que les tempéraments saillants, minéraux sont stigmatisés. Les ressources du vocabulaire ont l'air infinies pour désigner ceux qui résistent à ce sirop : machos, névrosés, fachos, etc.

« et vous, de quoi vous excusez-vous ? »,

Michel zendali, migros magazine, n  44, 26 octobre 2009, p. 21 - Michel Zendali






Par définition, la porte représente une censure et, comme n'importe quel secret, le huis clos fascine.

Bernard ArcandDe la fin du mâle, de l'emballage et autres lieux communs





La grande beauté de ma vie, c'est que je vis ce que les autres ne font que rêver, discuter, analyser. Je veux continuer à vivre le rêve non censuré, l'inconscient libre.


Anaïs Nin








La censure à l'haleine immonde, aux ongles noirs,

Cette chienne au front bas qui suit tous les pouvoirs,

Vile, et mâchant toujours dans sa gueule souillée,

O muse ! quelque pan de ta robe étoilée !



Victor Hugo


Les Chants du crépuscule (1835), A Alphonse Rabbe de Victor Hugo






La censure pardonne aux corbeaux, s'acharne sur les colombes.



Juvénal






Mais contre les sentiments personne ne peut rien, ils sont là et ils échappent à toute censure. On peut se reprocher un acte, une parole prononcée, on ne peut se reprocher un sentiment tout simplement parce qu'on n'a aucun pouvoir sur lui.

Milan KunderaL'identité (1997) de Milan Kundera






La censure, quelle qu'elle soit, me paraît une monstruosité, une pire chose que l'homicide. L'attentat contre la pensée est un crime de lèse-âme.

Gustave Flaubert




La censure est la taxe que le public prélève sur les hommes éminents.



Jonathan Swift


Pensées sur divers sujets moraux et divertissants de Jonathan Swift






La théorie de l'inconscient engendrait celle du refoulement, puis celle de la censure qui conduisait bientôt leur auteur sur ce qu'il allait nommer «la voie royale de l'inconscient»: le rêve.

Gérard BauërLes Billets de Guermantes, août 1936. de Gérard Bauër




L'inconscient est ce chapitre de mon histoire qui est marqué par un blanc ou occupé par un mensonge: c'est le chapitre censuré.


Jacques Lacan


Ecrits (1966) de Jacques Lacan





Rien ne stérilise tant un écrivain que la poursuite de la perfection. Pour produire, il faut se laisser aller à sa nature, s'abandonner, écouter ses voix..., éliminer la censure de l'ironie ou du bon goût...



Emil Cioran

Carnets 1957-1972, janvier 1960 de Emil Cioran





La censure, quelle qu'elle soit, me paraît une monstruosité, une chose pire que l'homicide; l'attentat contre la pensée est un crime de lèse-âme. La mort de Socrate pèse encore sur le genre humain.


Gustave Flaubert


Correspondance, à Louise Colet, 9 décembre 1852 de Gustave Flaubert





La censure est la formule ratée de la critique.


Miss.Tic





La censure a un manuscrit. Un manuscrit a sa discrétion, un manuscrit pour son bon plaisir. La censure est mon ennemie littéraire, la censure est mon ennemie politique. La censure est de droit improbe, malhonnête et déloyale. J'accuse la censure.

Victor HugoCorrespondance, au Ministre de l'Intérieur, 5 janvier 1830 de Victor Hugo


Satires, II, 63 de Juvénal


Références de Juvénal - Biographie de Juvénal






Je ne souffre d'aucune barrière ou censure mentales. Il y a longtemps que cette glande a brûlé.


Robin Williams

Acteur, Artiste, Comique (1951 - 2014)






Les lois et les censures compromettent la liberté de pensée bien moins que ne le fait la peur. Toute divergence d'opinion devient suspecte et seuls quelques très rares esprits ne se forcent pas à penser et juger comme il faut.



André Gide

 - 1869-1951 - Journal 1939-1949, 18 octobre 1944






L'abondance peut s'apparenter à une nouvelle censure, non par défaut, comme lorsqu'on brûlait les livres, mais par excès, lorsqu'au lieu de les détruire on les noie dans la quantité.


Armand Farrachi 

- Petit lexique d'optimisme officiel, 2007






Pourvu que je ne parle ni de l'autorité, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni de l'opéra, ni des autres spectacles, je puis tout imprimer librement, sous la direction, néanmoins, de deux ou trois censeurs.


Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais



Beaumarchais, 

Pierre Augustin Caron de - 1732-1799 - Le Mariage de Figaro



"Il est évident qu'il y a des choses qu'un gouvernement ne fera pas à Bouygues sachant que Bouygues est derrière TF1. Ce sont là des choses tellement grosses et grossières que la critique la plus élémentaire les perçoit, mais qui cachent les mécanismes anonymes, invisibles, à travers lesquels s'exercent les censures de tous ordres qui font de la télévision un formidable instrument de maintien de l'ordre symbolique."

Pierre Bourdieu - 1930-2002 - Sur la télévision, 1996, page 14





Louer ou censurer ce que tu ne comprends pas peut causer bien des maux. 


 Léonard de Vinci






 Ainsi, les éditeurs – les principaux éditeurs en tout cas, ceux dont les livres sont présents partout, sont devenus de remarquables prescripteurs d’opinions conformes. Et surtout de censure. 


Jean-Yves Le Gallou (facho)

La société de propagande. Manuel de résistance au goulag mental, éditions de La Nouvelle Librairie, Coll. Cartouches, 2022






L’Occident, qui ne possède pas de censure, opère pourtant une sélection pointilleuse en séparant les idées à la mode de celles qui ne le sont pas, et bien que ces dernières ne tombent sous le coup d’aucune interdiction, elles ne peuvent s’exprimer vraiment ni dans la presse périodique, ni par le livre, ni par l’enseignement universitaire. 


Alexandre Soljenitsyne

Le déclin du courage, discours à l’université de Harvard du 8 juin 1978, trad. Geneviève et José Johannet, éditions Les Belles Lettres, 2019




Lorsque la langue devient novlangue…

« Lorsque la langue devient novlangue, certaines zones de la réalité deviennent inaccessibles. Les mots pour la saisir ne sont plus disponibles ou sont décrétés radioactifs. Pire encore : on ne peut y faire référence qu’à la manière d’un scandale moral. »


Mathieu Bock-Côté (bizrae le gars)

L’Empire du politiquement correct, Les Éditions du cerf, 2019




Qu’est-ce qu’une démocratie qui sélectionne à l’avance les…

« Qu’est-ce qu’une démocratie qui sélectionne à l’avance les options politiques qui pourront être débattues publiquement, qui accorde des certificats de respectabilité aux uns et des contraventions morales aux autres, en plus d’interdire certains sujets sensibles ? »


Mathieu Bock-Côté

L’Empire du politiquement correct, Les Éditions du cerf, 2019





 Quelques générations encore, et le rire, réservé aux initiés, sera aussi impraticable que l’extase. 


Emil Cioran

Syllogismes de l’amertume, 1952, éditions Gallimard, coll. Folio, 1987





Les médias industriels jouissent d'une dépravation singulière des lois démocratiques. En effet, si la télévision et, par osmose, la presse ne disposent pas, a priori, de la liberté d'annoncer de fausses nouvelles, notre législation leur accorde par contre le pouvoir exorbitant de mentir par omission, en censurant et frappant d'interdit celles qui ne leur conviennent pas ou pourraient nuire à leurs intérêts.


Paul Virilio

L'art du moteur

https://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Virilio




Il n’y a pas de territoires secrets, il n’y a que des passages, des ponts, des passerelles, des nœuds de convergences, des chemins de croisées, des raccourcis inopinés, des bonds de l’espace et du temps, qui relient entre eux le fouillis de nos géographies intérieures, des glissements de sens et de sons, des tunnels qu’il est plaisant de creuser plus avant, jusqu’à percevoir des échos, capter des résonances, relier le multiple à sa singulière unité.

Quelles portes vers mes ailleurs ouvrent le sésame des mots auxquels j’ai confié mes désirs ? Je veux ignorer ce que sait le verbe par lequel le corps se pense.

Les orants, les quémandeurs, les suppliants, ceux qui espèrent être entendus, n’ont que l’oreille du néant.


Raoul Vaneigem

 Journal Imaginaire – Tout être humain est un chant et un champ de résonances)





La propagande religieuse, idéologique, commerciale et affairiste a besoin de la brute dont la foi occulte l'intelligence sensible et l'intelligence critique. Mieux que le lavage de cerveau, le totalitarisme de l'argent a instauré le règne du décervelage.

L'exaltation du médiocre et de la nullité a toujours été l'apanage du pouvoir autoritaire.

(LETTRE À MES ENFANTS ET AUX ENFANTS DU MONDE À VENIR-Raoul Vaneigem)




“La dignité de l'homo sapiens, c'est exactement ça : la découverte de la sagesse, la quête d'un savoir désintéressé, la création de beauté.”

George Steiner

Une certaine idée de l'Europe

https://fr.wikipedia.org/wiki/George_Steiner






Celui qui a le contrôle du passé a le contrôle du futur. Celui qui a le contrôle du présent a le contrôle du passé.



George Orwell





Mal nommer un objet, c'est ajouter au malheur de ce monde



Albart camus





Les gens exigent la liberté d'expression pour compenser la liberté de pensée qu'ils préfèrent éviter.


Sören Kierkegaard





Il n'y a ni bon ni mauvais usage de la liberté d'expression, il n'en existe qu'un usage insuffisant."

Raoul Vaneigem - Né en 1934 - Rien n'est sacré, tout peut se dire, 2003





Si l'on ne croit pas à la liberté d'expression pour les gens qu'on méprise, on n'y croit pas du tout."

Noam Chomsky - Né en 1928






“Le domaine de la liberté commence là où s’arrête le travail déterminé par la nécessité.”

Karl MarxDe Karl Marx





Liberté implique responsabilité. C'est là pourquoi la plupart des hommes la redoutent.



George Bernard 





Il existe des lois pour protéger la liberté d'expression de la presse, mais aucune ne vaut quoi que ce soit pour protéger le peuple de la presse.



Mark Twain




La liberté d'expression ne gêne véritablement que ceux qui n'ont rien à dire et qui ne veulent rien entendre


Albert Brie





La liberté d'expression appartient à tous, non à quelques-uns, qui l'outragent.

Raoul VaneigemRien n'est sacré, tout peut se dire (2003) de Raoul Vaneigem






La liberté d'expression totale, illimitée, pour toute opinion quelle qu'elle soit, sans aucune restriction ni réserve, est un besoin absolu pour l'intelligence.



Simone Weil


'Enracinement (1943) de Simone Weil







La liberté individuelle n'est nullement un produit culturel.”

Sigmund FreudDe Sigmund Freud / Totem et tabou





“Il y a des indulgences qui sont un déni de justice.”

Joseph JoubertDe Joseph Joubert / Carnets






“Le premier pas vers la philosophie, c'est l'incrédulité.”

Denis DiderotDe Denis Diderot





“La passion détruit plus de préjugés que la philosophie.”

Denis DiderotDe Denis Diderot / Discours sur la poésie dramatique






Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice.

Code civilArticle 4 de Code civil


Références de Code civil - Biographie de Code civil





Il y a des indulgences qui sont un déni de justice.


Joseph Joubert (moraliste)







La bêtise humaine n'est pas responsable de l'auteur d'un crime mais du déni du témoin.


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 Citation d'internaute

Hugo Vannier

Hugo Vannier

Étudiant, Physique, Psychiatrie, France métropolitaine 






De temps en temps, il arrive que les sociétés soient en proie à des épisodes de panique morale. Une condition, un incident, une personne ou un groupe de personnes sont brusquement définis comme une menace pour la société, ses valeurs et ses intérêts ; ils sont décrits de façon stylisée et stéréotypée par les médias ; des rédacteurs en chef, des évêques, des politiciens et d’autres personnes bien pensantes montent au créneau pour défendre les valeurs morales ; des experts reconnus émettent un diagnostic et proposent des solutions ; les autorités développent de nouvelles mesures ou - plus fréquemment - se rabattent sur des mesures existantes ; ensuite la vague se résorbe et disparaît, ou au contraire prend de l’ampleur. Parfois l’objet de la panique est plutôt inédit et parfois, il existe depuis longtemps mais surgit soudain en pleine lumière. Parfois la panique passe et n’existe plus que dans le folklore et la mémoire collective ; d’autres fois elle a des conséquences plus durables et peut produire des changements dans les lois, les politiques publiques ou même dans la manière dont la société se conçoit (Cohen, 2002 :1).


Stanley Cohen

https://journals.openedition.org/rsa/836






Ah! la raison est sûre d'elle! Elle approuve, elle dénie; mais qu'elle se garde d'interroger, de peur que la réponse ne se fasse dans un langage inconnu. 


Alfred de Musset 




Je pense que les institutions bancaires sont plus dangereuses pour nos libertés que des armées entières prêtes au combat. Si le peuple américain permet un jour que des banques privées contrôlent leur monnaie, les banques et toutes les institutions qui fleuriront autour des banques priveront les gens de toute possession, d’abord par l’inflation, ensuite par la récession, jusqu’au jour où leurs enfants se réveilleront, sans maison et sans toit, sur la terre que leurs parents ont conquise


Thomas JEFFERSON, troisième président des États-Unis de 1801 à 1809, rédacteur de la Déclaration d'indépendance des États-Unis en 1776.



(1743-1826), président des États-Unis, Discours de 1802. L’Économie mondiale à bout de souffle : L’ultime crise du capitalisme ? (2011), Jean Baumgarten





Il y a deux manières de conquérir et d'asservir une nation, l'une est par les armes, l'autre est par la dette.


John Adams, Second président des États-Unis, de 1797 à 1801



Jacques Attali

Nul ne peut évidemment croire que le capitalisme financier se moralisera tout seul. A l'heure actuelle, il est prêt à tout, ou presque, pour que les contribuables aient assez peur de leur propre avenir pour accepter sans trop rechigner de financer ses erreurs. Mais, sitôt qu'il le pourra, il recouvrera sa superbe et recommencera à se développer dans son intérêt propre, en poussant les autres à s'endetter pour son seul bénéfice.



Jacques Attali, Conseiller d'état, jamais présenté et jamais élu, conseiller politique des cinqs derniers présidents de la république, président de la la Commission de réforme de l’enseignement supérieur, haut fonctionnaire représentant personnel du chef d'État pour les sommets du G7 et européens, homme d'influence pour la campagne du dernier président .





 Klaus Schwab

la révolution numérique est à la racine de la révolution actuelle qui combine diverses technologies, entraînant un changement de paradigme sans précédent dans le domaine économique et social, dans le monde des affaires, mais aussi sur le plan individuel : ce ne sont pas seulement le « quoi » et le « comment » de notre manière de faire qui se trouvent bouleversés, mais également « qui » nous sommes.




 





 

 


« Ne voyez-vous pas que le véritable but du novlangue est de restreindre les limites de la pensée ? A la fin, nous rendrons littéralement impossible le crime par la pensée car il n'y aura plus de mots pour l'exprimer. Tous les concepts nécessaires seront exprimés par un seul mot dont le sens sera rigoureusement délimité. Toutes les significations subsidiaires seront supprimées et oubliées. (…) Chaque année, de moins en moins de mots, et le champ de la conscience de plus en plus restreint. »

-

Georges Orwell, 1984





Hannah Arendt

Quand tout le monde vous ment en permanence, le résultat n'est pas que vous croyez ces mensonges mais que plus personne ne croit plus rien. Un peuple qui ne peut plus rien croire ne peut se faire une opinion. Il est privé non seulement de sa capacité d'agir mais aussi de sa capacité de penser et de juger. Et avec un tel peuple, vous pouvez faire ce que vous voulez





Hannah Arendt

La tromperie n'entre jamais en conflit avec la raison, car les choses auraient pu se passer effectivement de la façon dont le menteur le prétend. Le mensonge est souvent plus plausible, plus tentant pour la raison que la réalité, car le menteur possède le grand avantage de savoir à l'avance ce que le public souhaite entendre ou s'attend à entendre. Sa version a été préparée à l'intention du public, en s'attachant tout particulièrement à la crédibilité, tandis que la réalité a cette habitude déconcertante de nous mettre en présence de l'inattendu, auquel nous n'étions nullement préparés.






Hannah Arendt

S'il cesse de penser, chaque être humain peut agir en barbare.








Hannah Arendt

Il n'a jamais fait de doute pour personne que la vérité et la politique sont en assez mauvais termes, et nul, autant que je sache, n'a jamais compté la bonne foi au nombre des vertus politiques. Les mensonges ont toujours été considérés comme des outils nécessaires et légitimes, non seulement du métier de politicien et de démagogue, mais aussi de celui d'homme d'Etat.






Hannah Arendt

Pour s'implanter, le Totalitarisme a besoin d'individus isolés et déculturés, déracinés des rapports sociaux organiques, atomisés socialement et poussés à un égoïsme extrême.





La Crise de la culture

Hannah Arendt

C'est également avec l'éducation que nous décidons si nous aimons assez nos enfants pour ne pas les rejeter de notre monde, ni les abandonner à eux-mêmes, ni leur enlever leur chance d'entreprendre quelque chose de neuf, quelque chose que nous n'avions pas prévu, mais les préparer d'avance à la tâche de renouveler un monde commun.






Responsabilité et jugement

Hannah Arendt


Dans la solitude, je suis "parmi moi-même", en compagnie de moi-même, et donc deux-en-un, tandis que dans la désolation, je suis en vérité un seul, abandonné de tous les autres.





Hannah Arendt

C’est dans le vide de la pensée que s’inscrit le mal.







Hannah Arendt

La société de masse ne veut pas la culture mais les loisirs.





Hannah Arendt

L'être humain ne doit jamais cesser de penser. C'est le seul rempart contre la barbarie. Action et parole sont les deux vecteurs de la liberté. S'il cesse de penser, chaque être humain peut agir en barbare.






Hannah Arendt

Le pire danger pour le soumis est l'homme libre de l'idéologie, ou qui s'en est libéré. Cet homme renvoie au soumis l'image de son infériorité que constitue la perte de son individualité et la limitation de son champ de raisonnement. C'est pour cette raison que tout doit être mis en œuvre pour que l'infidèle, le mécréant, l'apostat disparaisse.




Hannah Arendt

"C’est justement parce que les idéologies en elles-mêmes sont affaire d’opinion et non de vérité que la liberté de changer d’avis représente un grand danger."






Hannah Arendt

Ce que les masses refusent de reconnaître, c'est le caractère fortuit dans lequel baigne la réalité. Elles sont prédisposées à toutes les idéologies parce que celles-ci expliquent les faits comme étant de simples exemples de lois, et éliminent les coïncidences en inventant un pouvoir suprême et universel qui est censé être à l'origine de tous les accidents. La propagande totalitaire fleurit dans cette fuite de la réalité vers la fiction, de la coïncidence vers la cohérence.

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La Crise de la culture

Hannah Arendt

La culture, mot et concept, est d'origine romaine. Le mot "culture" dérive de colere - cultiver, demeurer, prendre soin, entretenir, préserver - et renvoie primitivement au commerce de l'homme avec la nature, au sens de culture et d'entretien de la nature en vue de la rendre propre à l'habitation humaine (...) Il semble que le premier à utiliser le mot pour les choses de l'esprit et de l'intelligence soit Ciceron. Il parle de excolere animum, de cultiver l'esprit, et de cultura animi au sens où nous parlons aujourd'hui encore d'un esprit cultivé, avec cette différence que nous avons oublié le contenu complètement métaphorique de cet usage.






La Crise de la culture

Hannah Arendt

L'éducation est le point où se décide si nous aimons assez le monde pour en assumer la responsabilité, et, de plus, le sauver de cette ruine qui serait inévitable sans ce renouvellement et sans cette arrivée de jeunes et nouveaux venus. C'est également avec l'éducation que nous décidons si nous aimons assez nos enfants pour ne pas les rejeter de notre monde, ni les abandonner à eux-mêmes, ni leur enlever leur chance d'entreprendre quelque chose de neuf, quelque chose que nous n'avions pas prévu, mais les préparer d'avance à la tâche de renouveler un monde commun.







Les origines du totalitarisme, Tome 3 : Le système totalitaire

Hannah Arendt

Dans un monde toujours changeant et incompréhensible, les masses avaient atteint le point où elles croyaient simultanément tout et rien, où elles pensaient que tout était possible et que rien n'était vrai. Le mélange était déjà remarquable en soi, puisqu'il sonnait le glas de l'illusion qui veut que la crédulité soit une faiblesse des âmes primitives et sans méfiance, et le cynisme le vice des esprits supérieurs et raffinés. La propagande de masse découvrit que son public était prêt à tout moment à croire le pire, qu'elle qu'en fut l'absurdité, et ne répugnait pas particulièrement à être trompé, puisqu'il pensait que de toute manière, toute affirmation était mensongère.


Hannah Arendt,Les origines du totalitarisme, Tome 3 : Le système totalitaire






Heureux celui qui n’a pas de patrie

La blessure du bonheur

veut dire stigmate, et non cicatrice.

Seule en témoigne

la parole du poète.

La fable écrite par lui

est demeure et non refuge.


Hannah Arendt




« Jamais, quand c'est la vie elle-même qui s'en va, on n'a autant parlé de civilisation et de culture. Et il y a un étrange parallélisme entre cet effondrement généralisé de la vie qui est à la base de la démoralisation actuelle et le souci d'une culture qui n'a jamais coïncidé avec la vie, et qui est faite pour régenter la vie.

Avant d'en revenir à la culture, je considère que le monde a faim, et qu'il ne se soucie pas de la culture ; et que c'est artificiellement que l'on veut ramener vers la culture des pensées qui ne sont tournées que vers la faim.

Le plus urgent ne me paraît pas tant de défendre une culture dont l’existence n’a jamais sauvé un homme du souci de mieux vivre et d’avoir faim, que d’extraire de ce que l’on appelle la culture, des idées dont la force vivante est identique à celle de la faim. »

Antonin Artaud (Le théâtre et son double - préface)




Un des aspects les plus horrifiants de notre culture actuelle, est cette capacité de (faire) croire que c’est la seule qui existe. Alors que c’est tout simplement la pire de toutes.

Les exemples sont dans le cœur de chacun, simplement le fait que les gens vont travailler six jours par semaine est la chose la plus tragique qu’on puisse imaginer. Comment peut-on voler ainsi la vie des êtres humains en échange de la nourriture, d’un toit et d’une voiture ? Jusqu’à il y a peu, je pensais que ce serait un plaisir pour moi d’avoir un travail.

Aujourd’hui je pense à tous ces bâtards qui me volent l’unique vie que j’ai.

Parce que je n’en aurai pas d’autre, je n’ai que celle-là. Et ils me font travailler cinq jours par semaine, voire six pour certains, et il me reste un misérable petit jour pour moi. Qu’est-ce qu’on peut faire en un jour ? Sûrement pas se construire une vie. C’est leur manière de nous mettre un pot de fleur dans notre cellule, sachant que même si la porte est grande ouverte, personne ne voudra sortir. Ce que nous ne devons pas perdre de vue, c’est qu’on nous vole notre vie, en échange de quelque sous par mois.

Donc, alors que je travaille toute ma vie pour approximativement 2 millions, je n’arrive pas à comprendre comment un tableau de Van Gogh peut valoir 77 milliards…

Et la vie d’un être humain 2 millions…

En plus avec toutes ces nouvelles technologies, les profits ont augmentés au moins 100 fois, le travail devrait être diminué à son dixième… Et bien non ! Au contraire, il a encore augmenté. Aujourd’hui je sais que je me fais voler la plus belle chose que la nature m’ait offerte. Pensez un peu à une des plus belles choses que la nature nous permet de faire, faire l’amour. Imaginez un peu que vous vivez dans un système politique, économique et social, où les personnes sont surveillées 24h/24. Ce serait une vraie torture. Et donc, pourquoi ne pas faire la comparaison avec le travail, qui n’est certainement pas plus satisfaisant que faire l’amour. Par exemple, le fait que les gens aillent travailler six jours par semaine. Mais la partie la plus horrible de cet état des choses, est que les gens sont soumis à des chefs, qui les obligent malgré eux à lécher le trottoir, tout cela pour plus d’argent.

Et j’entends souvent les gens dire que de toute façon, on ne peut plus rien changer, le système est tel qu’il est, irréversible. Et là je réponds que cette personne tient le discours typique de l’esclave soumis. L’esclave ne combat pas son maître, il le défend corps et âme. Parce que la plus lourde des chaînes d’un esclave n’est pas celle qui est attachée à son pied, c’est celle qui est dans son esprit, esprit qu’il n’arrive plus à imaginer le goût de la liberté.

Cela me fait penser à cette histoire, de quand Galilée à déclaré que c’était la Terre qui tournait autour du Soleil et non le contraire, il s’est retrouvé face à des personnes comme celle citée ci-dessus qui lui ont répondu : « Hé mais, çà fait 22 siècles que tout le monde dit que la Terre est le centre de l’univers ! Et toi tu prétends le contraire, comment vas-tu nous démontrer que cette absurdité est vraie ? ». Et Galilée répond : « Cà ce n’est pas mon affaire, Messieurs. ». Réponse : « Alors voilà, comme solution on t’enferme quelque part et on te force à démentir tes théories, ainsi tout est bien qui fini bien et l’ordre des choses n’est pas perturbé, compris ?».

Tout l’occident a sa vie basée uniquement sur le bénéfice, parce qu’il vole huit dixième des biens du reste du monde. Donc on ne peut pas dire que nous soyons capables de produire nous-mêmes les choses que nous estimons les plus indispensables à notre survie. Non, tout ce que nous avons est le produit du vol de 80% des richesses du reste du monde. Ainsi 80% des richesses sont réparties pour le bénéfice de 25% de la population du monde, grand maximum.

Donc, mesdames, messieurs, aujourd’hui, vous avez le choix. Ou, vous vous réveillez. Ou, vous faites semblant de dormir, mais alors vous devez bien vous rendre compte que dans ce cas, nous sommes tous morts. »

(Silvano Agosti - Seul avec tous)






Non seulement,absolument rien ne justifie que certains s'en épargnent à cueillir ou récolter leur propre nourriture,et à s'en construire eux-même leur abri,hormis une théorie,impostrice,de l'esclavagisme...mais,plus encore,tout justifie à ce que chacun s'en reconnecte avec le sol nourricier,enseignant libre et universel,générateur et réflecteur de vie,seul garant de résilience écologique et sociale...tout ce qui s'en coupe du sol en appelle,inévitablement,au déni de vie,à l'esclavagisme et à la mort,parce qu'il n'en sait,par déconnexion et méconnaissance,qu'abuser de ce bien commun qu'est la richesse du sol...nous n'échapperons plus à cette vue là,sans nous en tourner le dos à l'essence de nos petits êtres...






A une ou deux exceptions près, le ricanement, la gouaille et le scandale forment le fond de notre presse. A la place de nos directeurs de journaux, je ne m'en féliciterais pas. Tout ce qui dégrade la culture raccourcit les chemins qui mènent à la servitude. Une société qui supporte d'être distraite par une presse déshonorée et par un millier d'amuseurs cyniques, décorés du nom d'artistes, court à l'esclavage malgré les protestations de ceux-là mêmes qui contribuent à sa dégradation.


Albert Camus



Une personne cultivée devrait être : quelqu'un qui sait choisir ses compagnons parmi les hommes, les choses, les pensées, dans le présent comme dans le passé.


Hannah Arendt





La diversité des cultures est derrière nous, autour de nous et devant nous. La seule exigence que nous puissions faire valoir à son endroit est qu'elle se réalise sous des formes dont chacune soit une contribution à la plus grande générosité des autres.


Claude Lévi-Strauss





La culture, ce n'est pas ce qui reste quand on a tout oublié, mais au contraire, ce qui reste à connaître quand on ne vous a rien enseigné.

Jean Vilar




Plus la vie est agréable et douce et enchanteresse, plus horrible est l'idée de la perdre. Et c'est ainsi que se corrompent les cultures et que viennent les décadences.


Miguel de Unamuno




La culture n'est qu'une longue interrogation, les médias ont une réponse rapide à tout ; la culture est la gardienne de la mémoire, les médias sont les chasseurs de l'actualité.


Milan Kundera





Le diplôme est l'ennemi mortel de la culture.


Paul Valéry





La culture est une résistance à la distraction.


Pier Paolo Pasolini




La culture trace des chemins droits mais les chemins tortueux sans profit sont ceux-là mêmes du génie.


William Blake





Plus les gens deviennent cultivés, plus leur bavardage devient insupportable.


Thomas Bernhard




S'il veut dire vraiment quelque chose, le mot « culture » signifie - ou devrait signifier - un mode de comportement individuel et collectif, une force éthique agissante, à même de pénétrer l'ensemble des rapports humains et des manières de voir.


Romain Gary

Note pour l'édition américaine d'Europa




La culture en effet est chez beaucoup de gens une cause de folie, et chez presque tous d'orgueil, à moins que, ce qui arrive rarement, elle n'échoie à une âme bien formée et d'une bonne nature.


François Pétrarque

Lettre à Donato Albanzani




Quand j'entends le mot culture, je sors mon carnet de chèques.


Jean-Luc Godard,Le Mépris





La culture n'a absolument aucun sens si elle n'est pas un engagement absolu à changer la vie des hommes. Elle ne veut rien dire. C'est une poule de luxe.

Romain Gary

Romain Gary




La corrida, ni un art, ni une culture ; mais la torture d'une victime désignée.

Emile Zola





L'homme de culture doit être un inventeur d'âmes.


Aimé Césaire



La culture, ce n'est pas ce qui reste quand on a tout oublié, mais au contraire, ce qui reste à connaître quand on ne vous a rien enseigné.

Jean Vilar


Quand il se présente à la culture scientifique, l’esprit n’est jamais jeune. Il est même très vieux, car il a l’âge de ses préjugés.


Gaston Bachelard





La culture, devenue intégralement marchandise, doit aussi devenir la marchandise vedette de la société spectaculaire.


Guy Debord




La culture engendre la monstruosité.


Georges Braque






La culture ne s'hérite pas, elle se conquiert.


André Malraux




La culture est une béquille que brandissent les boiteux contre les bien-portant pour montrer qu'ils sont en possession de tous leurs moyens.


Karl Kraus




Ce qu'on nomme culture consiste, pour une partie des intellectuels, à persécuter l'autre partie.

Jean-François Revel


Plus de la moitié de la culture intellectuelle moderne dépend de ce qu'on ne devrait pas lire.

Oscar Wilde


Il n'est personne, aujourd'hui, de vraiment suffisamment cultivé, pour parler de la beauté d'un coucher de soleil.


Oscar Wilde





Nous vivons dans un monde où l'enterrement est plus important que la mort, le mariage plus que l'amour et le corps plus que l'intellect. Nous vivons la culture du contenant qui méprise le contenu.

Eduardo Galeano





Sahlins insiste sur le fait qu'il existe deux façons de considérer le progrès, celle qui est fondée sur l'expansion infinie des besoins, et où, par définition, il ne peut y avoir abondance, et celle où les individus adaptent leurs besoins à leurs possibilités et jugent leur abondance à la quantité d'efforts nécessaires pour satisfaire ces besoins.

François Jarrige, Techno-critiques.




Si le XIXe siècle fut celui de l’invention de la science comme autorité épistémique et politique reposant sur les sciences données comme sources des progrès techniques et industriels, le siècle qui commence avec la Première Guerre mondiale est celui de la pénétration des savoirs scientifiques et de leurs imaginaires dans tous les aspects de la vie sociale, économique et culturelle. Du pouvoir de l’atome au consumérisme high-tech, de la scientifisation de la guerre à la molécularisation de la médecine ou de l’agriculture, de l’affirmation des sciences économiques et sociales au monitoring scientifique du réchauffement climatique, rares sont les fragments de notre réalité qui n’ont pas été transformés par les sciences, les techniques et les savoirs contemporains.

Christophe Bonneuil, Histoire des sciences et des savoirs, tome 3 : Le siècle des technosciences.





L'histoire de l'énergie à visée gestionnaire repose sur un sérieux malentendu : ce qu'elle étudie sous le nom de "transition énergétique" correspond en fait très précisément à l'inverse du processus qu'il convient de faire advenir de nos jours dans le contexte de la crise climatique et du pic pétrolier.

La mauvaise nouvelle est que si l'histoire nous apprend bien une chose, c'est qu'il n'y a en fait jamais eu de transition énergétique. On ne passe pas du bois au charbon, puis du charbon au pétrole, puis du pétrole au nucléaire. L’histoire de l'énergie n'est pas celle de transitions, mais celle d'additions successives de nouvelles sources d'énergie primaire. L'erreur de perspective tient à la confusion entre relatif et absolu, entre le local et le global : si, au 20e siècle, l'usage du charbon décroît relativement au pétrole, il reste que sa consommation croît continûment, et que globalement, on n'en a jamais autant brûlé qu'en 2012.

Jean-Baptiste Fressoz, L'événement anthropocène.





L’erreur fondamentale qu’il faut tout d’abord dénoncer, c’est la soi-disant neutralité de la technique. Rien de ce qui est sur terre n’est neutre, toute chose obéit à sa nature, toute cause entraîne des effets à la mesure de sa taille ; tout gain se paye, et c’est à la réflexion critique de peser des coûts d’autant plus élevés qu’on se sera refusé à les considérer.

Bernard Charbonneau, Totalitarisme Industriel.




Nombre de moralistes se basant sur l’affreux antagonisme des hommes civilisés et considérant l’humanité actuelle comme un progrès matériel et moral sur l’humanité primitive, en déduisent cette perle fausse :

"L’homme civilisé étant un bien triste individu, quel monstre devait donc être son devancier ?".

Et parce qu’en interrogeant l’Histoire ils constatent à toute époque : le meurtre, l’exaction, la ruine, la tyrannie et l’esclavage, sans tenir compte que dès qu’il y a histoire, il y a civilisation, c’est-à-dire : artificiel superflu, intérêts en jeu, spoliation, inégalité des conditions, luxe et misère, ils crient à l’abomination et déclarent la race humaine, mauvaise de tout temps, sans vouloir reconnaître qu’aux époques historiques lointaines, mais incontestablement civilisées déjà, qu’ils examinent, toutes les causes déterminantes du mal existant, les effets produits n’en étaient que la conséquence logique.

Et aussi parce que l’Histoire nous montre le caractère brutal et sans merci des premières luttes de la civilisation, ils parlent de férocité. Cela n’a guère changé de nos jours et les hécatombes sont mêmes beaucoup plus fortes. Mais si l’homme d’autrefois était plus violent et brutal dans le combat, c’est qu’il était aussi plus vigoureux et moins dissimulé, c’est-à-dire plus près de la Nature. Aujourd’hui il n’ y a plus de corps à corps, on ne passe plus au fil de l’épée ; à huit kilomètres on incendie une cité et ses habitants sont déchiquetés par l’obus à la mélinite.

Comme on le voit, le procédé est beaucoup plus avantageux pour les vaincus et l’adoucissement des mœurs est des plus évident.

Donc nos moralités sont unanimes, à affirmer que plus on remonte à l’origine de l’homme, plus l’homme est féroce. Forts de cette opinion, ils entreprennent l’histoire des temps préhistoriques, et sans hésiter un instant nous renseignent sur les faits et gestes de l’homme à l’âge de pierre, en nous le représentant misérable, bestialement cruel et d’une saleté sordide.

Notez cependant que l’Histoire ne remonte (et de façon officielle surtout) que jusqu’à 6 000 ans pour l’Orient et à 2 000 à peine pour l’Occident ; et convenez qu’il faut un certain culot pour faire la description des caractères et des moeurs d’époque qui n’ont laissé pour tous documents que des pierres taillées des cavernes et les pilotis des cités lacustres, quelques poteries et des ossements.

Mais, toujours imbus de leur présomptueux "Progrès", nos civilisés n’en démordent pas. Il y a pourtant une constatation qui a son éloquence, c’est que les vestiges des civilisations antiques et modernes nous montrent, à côté d’armes de guerre et de chasse, des instruments de torture variés, tandis que ceux des temps préhistoriques ne nous en montrent aucun.

D’autre part, des anatomistes distingués en possession de crânes humains de l’époque quaternaire, ont constaté à leur poids considérable l’âge avancé (plus de 120 ans) des individus auxquels ils avaient appartenu. Aux mâchoires complètement édentées, ils ont reconnu que ces vieillards ne pouvaient plus s’alimenter que de matières tendres, telles que moelles et cervelles d’animaux, de quoi ils ont conclu à la sénilité, c’est à dire à l’incapacité de se subvenir. Ils en ont déduit en toute logique que ces êtres séniles devaient être l’objet de la sollicitude de leurs congénaires plus jeunes. Voilà pour le côté moral.

D’autres crânes examinés par les mêmes savants, quoi qu’indiquant également un âge très avancé, étaient encore garnis de toutes leurs dents, témoignage de parfaite santé. Voilà pour le côté physique.

Les ossatures reconnues pour être de l’âge de pierre ne présentent nulle trace de fractures, indices de combat ou de tortures, et les armes sont plutôt des accessoires de chasse et de pêche ; les cavernes étaient, ou particulières ou communes, mais uniformément naturelles et à la disposition de tous ; les poteries naïvement façonnées étaient d’usage général et vu leur simplicité d’exécution, chacun pouvait s’en fabriquer ; les vêtements faits de peaux d’animaux (fourrures aujourd’hui) ne manquaient à personne, chacun était apte à les conquérir et à les préparer pour son usage, et, ni dans l’abri, dans les armes, dans les vêtements, ces temps encore naturels, on ne relève la marque d’une hiérarchie quelconque, aucune ligne de démarcation sociale ; les hommes de l’âge de pierre sont encore tous égaux.

Et s’ils sont tous égaux, c’est qu’ils n’ont pas corrigé la Nature, eux ! Ils n’ont point touché à la forêt ni au sol, et la forêt et le sol leur donnent toujours l’abondance.

Émile Gravelle, dans La cause déterminante - L’État Naturel de Février 1898.




Au XIXème siècle, la résistance au changement est bien souvent l'attitude la plus raisonnable et la plus rationnelle. Un monde sépare en effet les zones rurales pauvres, où l'araire continue d'être utilisé jusqu'au milieu du XIXème siècle, et les régions riches, comme le Bassin parisien. Les zones de montagnes, placées à l'écart des courant commerciaux, sont longtemps réfractaires à toute innovation. On y recherche d'abord un type d'économie autarcique dans laquelle les outils sont fabriqués à domicile. Passer des charrues en bois à des charrues munies de pièces en acier, par exemple, signifie dépendre des autres, et donc prendre un risque. En Savoie, dans les années 1860, les araires en bois sont encore fréquemment utilisés. Les nouveaux modèles sont rejetés car ils semblent fragiles et les artisans des villages ne peuvent pas remplacer eux mêmes les parties endommagées. Le refus de la nouveauté ne résulte pas d'une routine réfractaire au progrès, il témoigne d'abord d'une bonne connaissance des contraintes du milieu et d'une volonté d'indépendance

François Jarrige, Techno-critiques.




La nature est éternellement jeune, belle et généreuse. Elle possède le secret du bonheur, et nul n'a su le lui ravir.

George Sand




Les paysages métropolitains et leur ambiances partout s'homogénéisent, grâce à la conjugaison bien sentie de divers processus transformant tous les espaces, de la patrimonialisation et la touristification des centre-ville à la festivalisation et la foodification des espaces publics, en passant par guggenheimisation de l'offre culturelle, la bucolisation marketée et la numérisation de tous les supports.

Guillaume Faburel, Pour en finir avec les grandes villes.





L'image de la Terre vue de l'espace véhicule une interprétation simplificatrice du monde. Elle procure un sentiment de vision d'ensemble, globale, dominatrice et extérieure, plutôt qu'un sentiment d'appartenance humble. Elle couronne ce que Philippe Descola a nommé le "Naturalisme", né en Occident, par lequel nous concevons les autres êtres de la Terre comme partageant la même "physicalité" que nous humains, mais comme étant d'une intériorité radicalement différente de la nôtre, nous positionnant ainsi en surplomb par rapport à la nature, dans l'extériorité stratégique de celui qui gère et pilote le système Terre auquel il appartient. Cette appréhension de notre place sur Terre à partir d'une perspective spatiale prolonge aussi une vision de l'objectivité comme une "vue de nulle part" née au milieu du 19e siècle, selon laquelle le bon savoir est celui qui est produit en s'abstrayant du système observé, pour laisser parler la nature. Ainsi, on ne pourrait bien connaître et bien gérer les problèmes de la planète qu'en la regardant de l'espace, par une vision en quelque sorte "déterrestrée". Ce point de vue supérieur postule non simplement que "nous n'avons qu'une seule Terre" (le fameux slogan de la Conférence de Stockholm en 1972), mais aussi qu'il existe un savoir supérieur sur les problèmes de la planète. Il perpétue un imaginaire naturaliste (dont l’anthropologue Philippe Descola a montré qu'il était un des quatre grands modèles de rapport des humains au monde) et, plus encore, un imaginaire "déterrestré", produit d'une culture technoscientifique qui s'est développée conjointement avec les dynamiques qui nous ont fait basculer dans l'Anthropocène. Cet imaginaire n'est pas neutre et domine d'autres imaginaires du rapport à la Terre (ceux des communautés indigènes et des mouvement socio-environnementaux populaires par exemple) qui pourraient, eux aussi, être porteurs de perspectives et de solutions pertinentes face aux dérèglements écologiques.

Jean-Baptiste Fressoz, L'événement anthropocène





C'est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain ne l'écoute pas.

Victor Hugo




La Révolution ne se fera pas contre des hommes mais contre des institutions. Tant pis pour la police qui garde les banques.

La Révolution ne se fera pas contre le grand patron mais contre la grande usine.

La Révolution ne se fera pas contre les bourgeois mais contre la grande ville.

La Révolution ne se fera pas contre le fascisme ou le communisme mais contre l'Etat totalitaire, quel qu'il soit.

La Révolution ne se fera pas contre M. Guimier mais contre l'agence Havas. La Révolution ne se fera pas contre les 200 familles mais contre le profit.

La Révolution ne se fera pas contre les marchands de canons mais contre les armements. La Révolution ne se fera pas contre l'étranger mais contre la nation.

La Révolution n'est pas une lutte des classes, elle est une lutte pour la liberté de l'homme.

Si nous repoussons toujours le premier terme, c'est qu'il permet toutes les hypocrisies, et convient aussi bien à une révolution fasciste que communiste - le second terme ne permet pas de compromission.

Bernard Charbonneau, Nous sommes des révolutionnaires malgré nous.




Notre conception moderne de la liberté se heurte aux limites planétaires, non sans crispation d'ailleurs. Elle bute contre la finitude des ressources et des capacités d'absorption de nos impacts sur la planète.

Jean-Baptiste Fressoz, L'événement anthropocène.




La reproduction en zoo sélectionne nécessairement en fonction de la docilité, de la servilité, et d’une aptitude à dépendre de gardiens. Et s’il s’agit précisément des caractéristiques des humains qui survivent au sein de la civilisation, c’est tout sauf une coïncidence.

Derrick Jensen, Zoos.




Or, si la grande ville était encore ce grand lieu de l'hospitalité et de l'émancipation, elle ne présenterait pas les visages qu'elle offre aujourd'hui, celui de la ségrégation spatiale et celui de la relégation sociale, celui du péril écologique et celui du mur climatique, celui de l'accélération sans fin des rythmes de vie et celui de l'uniformisation des conduites.

Guillaume Faburel, Les métropoles barbares.




On ne triomphe de la nature qu'en lui obéissant.

Francis Bacon




Sans penser que demain, peut-être, savoir cultiver un bout de terrain, allumer un feu de bois et faire des pansements corrects seront plus utiles que tapoter sur un clavier.

Cité dans Jacques Ellul : L'homme qui avait presque tout prévu, de Jean-Luc Porquet.




L'Anthropocène est politique en ce qu'il implique d'arbitrer entre divers forçages humains antagonistes sur la planète, entre les empreintes causées par différents groupes humains (classes, nations), par différents choix techniques et industriels, ou entre différents modes de vie et de consommation. Il importe alors d'invertir politiquement l'Anthropocène pour surmonter les contradictions et les limites d'un modèle de modernité quo s'est globalisé depuis deux siècles, et explorer les voies d'une descente rapide et équitablement répartie de l'empreinte écologique des sociétés.

Jean-Baptiste Fressoz, L'événement anthropocène.




Au premier rang des outils qui permettent la mise en place de ce nouveau régime semencier figure le catalogue des variétés cultivées. L'obligation d'inscription au catalogue, qui ne concernait tout d'abord qu'un petit nombre d'espèces, va être progressivement étendue à toutes les cultures au cours des années d'aprés-guerre. Le décret du 11 juin 1949 stipule en outre, en son article 2, que désormais seules les smences de variétés inscrites au catalogue pourront être commercialisées ou échangées en tant que semences. Le catalogue devient ainsi un instrument à la fois de contrôle du marché ds semences, dévaluation variétale et de triage génétique, permettant la promotion des "meilleures variétés" ( phyto-eugénisme positif) et la radiation des variétés plus anciennes jugées obqolètes ( phyto-eugénisme négatif).

Christophe Bonneuil et Frédéric Thomas: Semences, une histoire politique.





Si un homme passe la moitié de sa journée à marcher dans les bois parce qu'il les aime, il est en danger d'être pris pour un fainéant mais s'il passe toute sa journée à spéculer, à raser les bois, à rendre la terre chauve avant l'heure, on le considère avec estime comme un citoyen industrieux et entreprenant.

Henry David Thoreau



L'espèce humaine est entrée en conflit avec l'espace, la terre, l'air même qu'il lui faut pour vivre. Comment pouvons-nous parler de progrès, alors que nous détruisons encore autour de nous les plus belles et les plus nobles manifestations de la vie ?

Romain Gary




La technique nous est dorénavant présentée comme la seule solution à tous nos problèmes collectifs (le chômage, la misère du tiers monde, la crise, la pollution, la menace de guerre) ou individuels (la santé, la vie familiale, et même le sens de la vie) Et il s'agit bien de bluff, parce que dans ce discours l'on multiplie par cent les possibilités effectives des techniques et que l'on voile radicalement les aspects négatifs.

Jacques Ellul



La santé est une combinaison complexe de régime alimentaire, d'exercice, de stress, de culture et de personnalité. C'est aussi un produit de sensation. La façon dont nous absorbons les informations sensorielles a un impact profond sur notre expérience physique.

Frank Forencich, L'animal exubérant : le pouvoir de la santé, du jeu et du mouvement joyeux.




Loin d'environner le social, l'environnement le traverse, et l'histoire des sociétés, des cultures et des régimes socio-politiques ne peut se désintéresser des flux de matière, d'énergie et d'information qui la trament.

Jean-Baptiste Fressoz, L'événement anthropocène.




L’humanité n’a pas vieilli. Elle peut à chaque instant retrouver, intacts, ses pouvoirs d’embellissement. C’est le monde qu’elle s’est fabriqué qui vieillit de plus en plus vite, drainé par ses nouveautés incessantes, se fissurant à chaque instant, se regardant tomber en miettes.

Jaime Semprun, Andromaque, je pense à vous !




On cherche aussi à reconquérir une autonomie en mettant en place des pratiques d'autogestion. En produisant tant que faire se peut ses propres moyens de répondre à ses besoins vitaux, pour s'alimenter ou se loger, pour se chauffer ou se déplacer... Mais aussi, sur le plan politique (en ces temps obscurs où se dessine de plus en plus nettement le spectre d'un régime techno-autoritaire), en adoptant ses propres règles individuelles et collectives, en s'émancipant autant que possible des institutions étatiques et locales, de leurs politiques de développement, de leurs règles et de leurs moyens de contrôle technologiques.

Bref, habiter écologiquement un lieu plutôt que de consommer fonctionnellement un espace, coopérer localement et non concurrencer globalement, autogérer sans exclusion plus que posséder avec prétention.

Guillaume Faburel, Pour en finir avec les grandes villes.




L'art et la culture ne peuvent faire l'objet d'un programme - l'art ne se conserve pas. Il n'y a pas d'art dans un musée - l'art n'obéit pas à une règle traditionnelle. Il ne consiste pas dans l'admiration des chefs-d'oeuvre anciens. L'art et la culture se font au jour le jour. Et chaque civilisation a les arts et la culture qu'elle mérite. Nous aurons le signe d'une vraie révolution faite lorsque nous verrons un art nouveau se dégager de lui-même et sans théories. (p. 79)

Jacques Ellul et Bernard Charbonneau, Nous sommes des révolutionnaires malgré nous.




Tout le monde le sait, descendre au jardin ne résout pas les problèmes de la vie quotidienne, mais les relativise et les rend plus supportables. Sigmund Freud a eu ce regret tardif : J'ai perdu mon temps ; la seul chose importante dans la vie, c'est le jardinage.

Francis Hallé



Nous savons que, depuis cent cinquante ans, les sociétés industrialisantes vivent du pillage accéléré de stocks dont la constitution a demandé des dizaines de millions d'années et que, jusqu'à ces tout derniers temps, les économistes, qu'ils fussent classiques ou marxistes, ont rejeté comme « régressives » ou comme « réactionnaires » les questions concernant l'avenir à très long terme : celui de la planète, celui de la biosphère, celui des civilisations.

André Gorz



Argent, machinisme, algèbre ; les trois monstres de la civilisation actuelle.

Simone Weil




L'alternative au travail n'est pas seulement l'oisiveté. Être ludique ne veut pas dire être endormi. Autant je chéris les plaisirs de l'indolence, autant celle-ci n'est jamais si gratifiante que lorsqu'elle ponctue d'autres plaisirs et passe-temps. Je n'apprécie pas plus cette soupape bien gérée et encadrée qu'on appelle "loisirs". Loin de là. Les loisirs ne produisent que du non-travail au nom du travail. Les loisirs sont composés du temps passé à se reposer des fatigues du boulot et à essayer frénétiquement, mais en vain, d'en oublier l'existence. De nombreuses personnes reviennent de vacances avec un air si abattu que l'on dirait qu'elles retournent bosser pur se reposer. La principale différence entre le travail et les loisirs est la suivante : au boulot, au moins, l'avachissement et l'aliénation sont rémunérés.

Je ne joue pas sur les mots. Quand je dis que je veux abolir le travail, je veux précisément dire ce que j'énonce, mais il me faut préciser ce que j'entends par là, en définissant mes termes de manière non spécialisée. Ma définition minimale du travail est le labeur forcé, c'est-à-dire la production obligatoire. Ces deux derniers paramètres sont essentiels. Le travail est la production effectuée sous la contrainte de moyens économiques ou politiques, la carotte ou le bâton - la carotte n'est que la continuation du bâton par d'autres moyens. Mais toute création n'est pas travail. Le travail n'est jamais accompli pour lui-même, il l'est par rapport à quelque produit ou profit qu'en tire le travailleur, ou plus souvent une autre personne. Voilà ce qu'est nécessairement le travail. Le définir, c'est le mépriser. Mais le travail est généralement pire encore que ce que cette définition dévoile. La dynamique de la domination intrinsèque au travail tend avec le temps à s'établir en système élaboré. Dans les sociétés "avancées" où triomphe le travail - toutes les sociétés industrielles, qu'elles se veuillent capitalistes ou "communistes" -, le travail acquiert invariablement d'autres attributs qui ne font que renforcer son iniquité.

Habituellement - et cela était encore plus vrai dans les régimes "communistes", où l'État était l'employeur principal et chaque personne un employé, que dans les pays capitalistes -, le travail c'est l'emploi, c'est-à-dire le travail salarié, ce qui revient à se vendre à crédit. Ainsi 95% des Américains qui travaillent sont salariés - de quelqu'un ou de quelque chose. Dans les États régis par le modèle socialiste, on n'était pas loin des 100%. Seuls les bastions du tiers-monde agricole - le Mexique, l'Inde, le Brésil, la Turquie - abritent pour un temps encore des concentrations significatives de paysans qui perpétuent l'arrangement traditionnel régentant l'essentiel de l'activité au cours des derniers millénaires : le versement d'impôts écrasants, qu'on peut appeler rançon, à l'État ou de rentes à des propriétaires terriens parasitaires, en échange d'une certaine tranquillité. De nos jours, même ce marché de dupes, cette existence précaire et soumise, paraît préférable à l'esclavage salarié. Tous les travailleurs de l'industrie et des bureaux sont des employés et subissent donc une forme de surveillance qui garantit leur servilité.

Mais le travail moderne engendre pire effets encore. Les gens ne se contentent pas de travailler ; ils ont des "jobs", des pseudo-métiers, et accomplissent continuellement une seule tâche productive. Même si cette dernière recèle une dimension intéressante (ce qui est le cas d'un nombre décroissant de ces jobs), la monotonie induite par son exclusivité obligatoire phagocyte tout son potentiel ludique. Un job qui pourrait engager l'énergie de quelques personnes, durant un temps raisonnable, pour le plaisir, devient un fardeau pour ceux qui doivent s'y astreindre quarante heures par semaine, sans avoir leur mot à dire sur la manière de le faire, pour le seul profit d'actionnaires qui ne contribuent en rien au projet - et sans la moindre possibilité de partager les tâches parmi ceux qui doivent vraiment s'y frotter. Voilà le vrai monde du travail : un monde de bévues bureaucratiques, de harcèlement sexuel et de discrimination, peuplé de patrons obtus exploitant et brimant leurs subordonnés, lesquels - selon n'importe quel critère technique et rationnel - devraient être aux commandes et prendre les décisions. Mais dans la réalité, le capitalisme soumet encore les impératifs de productivités et de rentabilité aux exigences du contrôle organisé.

La déchéance que connaît au boulot l'écrasante majorité des travailleurs naît d'une variété infinie d'humiliations, qu'on peut désigner globalement du nom de "discipline". Des gens comme Foucault ont analysé de manière complexe ce phénomène, alors qu'il est fort simple.

La discipline est constituée de la totalité des contrôles coercitifs qui s'exercent sur le lieu de travail: surveillance, exécution machinale des tâches, rythmes de travail imposés, quotas de production, pointeuses, etc. La discipline est ce que le magasin, l'usine et le bureau ont en commun avec la prison, l'école et l'hôpital psychiatrique.

Une telle horreur n'a pas d'exemple dans l'histoire préindustrielle. Elle dépasse les capacités de nuisance dont jouissaient des tyrans tels que Néron, Gengis Khan ou Ivan le Terrible. Aussi néfastes et malveillants qu'ils fussent, ces oppresseurs ne disposaient pas des moyens raffinés de domination dont profite le despotisme actuel. La discipline est par excellence le mode de contrôle moderne, aussi artificiel que pernicieux. Elle est à prohiber sans complaisance dans la société humaine, dès que s'en présentera l'occasion, et dans tous ses aspects.

Tel est le travail. Le jeu est précisément l'inverse. Le jeu est toujours volontaire. Ce qui pourrait être un jeu devient un travail s'il est effectué sous la contrainte - c'est l'évidence. Bernie de Koven a tenté de définir le jeu comme la mise entre parenthèses des conséquences. Cette définition est inacceptable si elle implique que tout jeu n'est que futilité. Il ne s'agit pas de savoir si jouer produit ou non des conséquences. C'est nier le plaisir qu'engendre le jeu. En vérité, les conséquences du jeu, lorsqu'il y en a, sont gratuites. Le jeu et le don sont étroitement liés. Ils participent, mentalement et socialement, de la même impulsion individuelle et générique : l'instinct ludique. Le jeu et le don partagent le même hautain dédain pour le résultat. Le joueur aime jouer, donc il joue. Dans l'activité ludique, la gratification principale réside dans l'activité elle-même, quelle qu'elle soit. Un théoricien du jeu comme Huizinga, autrement pertinent que ce con de Koven, prétend, dans Homo Ludens, définir l'activité humaine comme un jeu dont il faut respecter les règles. J'ai le plus grand respect pour l'érudition de Huizinga mais, en l'occurrence, je conteste avec force l'étroitesse de sa définition. Certes, il existe nombre de beaux jeux, tels que les échecs, le base-ball, le Monopoly ou le bridge, qui sont soumis à des règles ; mais la sphère du jeu dépasse celles du sport et des jeux de société. La conversation et le sexe, la danse et le voyage, voilà par exemple, des activités qui peuvent aisément échapper à des conventions intangibles. Or, elles relèvent, sans l'ombre d'un doute, du jeu. Et on peut se jouer des règles elles-mêmes aussi aisément que de toutes choses.

Bob Black, Travailler, moi ? Jamais !






Ce qui nous arrive n'est pas une crise environnementale, c'est une révolution géologique d'origine humaine . L'opposition entre un passé aveugle et un présent clairvoyant, outre qu'elle est historiquement fausse, dépolitise l'histoire longue de l'Anthropocène.

Christophe Bonneuil, Jean-Baptiste Fressoz, L'événement anthropocène.




On pourra perpétuellement décapiter des rois, déposer des empereurs, éventrer des présidents de la République, la situation restera la même tant qu’il y aura des mines, des usines et des chantiers. Tant que l’artificiel établi pendant des siècles d’esclavage sera considéré comme base de système de vie, il y aura exploitation de l’homme par l’homme, il y aura spoliation, sans parler de la dégradation toujours continue et aggravée de la Nature.

Emile Gravelle, dans la revue Le Naturien, feuillet No 4.




Je ne puis condamner les opprimés qui pour se révolter prennent les armes et se lancent dans la violence, mais je pense leur révolte inefficace pour une réelle révolution : ou bien les opprimés seront écrasés par les forces des gens du pouvoir, ou bien, quand le pouvoir en place sera renversé, ils auront acquis le goût du pouvoir par les armes, ils deviendront alors les nouveaux oppresseurs et tout sera à refaire.

Pour une véritable révolution, il faut trouver le moral de s'engager à faire disparaitre ce qui est à l'origine de toutes les violences : l'esprit de hiérarchie et la peur ; la peur qu'éprouvent les dominants de ne plus pouvoir vivre s'ils renversent leurs maitres, les pousse à accepter la violence qu'ils subissent. Ils trouvent eux-mêmes une compensation en cherchant à dominer sur d'autres, toujours au prix de la violence dans le cycle infernale de révolte-répression ...

Jacques Ellul, Anarchie et christianisme.




Qui chante en groupe mettra, quand on le lui demandera, son frère en prison.

Henri Michaux




La culture du bien-être personnel colonise l'intimité par les injonctions aux mouvements et à la dépense en faveur de la "modernité" urbaine.

Guillaume Faburel, Les métropoles barbares.



La tromperie n'entre jamais en conflit avec la raison, car les choses auraient pu se passer effectivement de la façon dont le menteur le prétend. Le mensonge est souvent plus plausible, plus tentant pour la raison que la réalité, car le menteur possède le grand avantage de savoir à l'avance ce que le public souhaite entendre ou s'attend à entendre. Sa version a été préparée à l'intention du public, en s'attachant tout particulièrement à la crédibilité, tandis que la réalité a cette habitude déconcertante de nous mettre en présence de l'inattendu, auquel nous n'étions nullement préparés.

Hannah Arendt, Du mensonge à la violence.



Et quand même tous les vents de la doctrine auraient libre cours sur la Terre, si la Vérité est en lice, c'est lui faire injure que douter de sa force, en mettant en place censure et interdiction. Que la Fausseté s'empoigne avec elle ; qui a jamais vu que la Vérité ait le désavantage dans une rencontre libre et ouverte ? Aucune censure n'a le poids de sa réfutation ... Car qui l'ignore ? La force de la Vérité vient juste après celle de l'univers tout puissant.

John Milton




Le capitalisme moderne a besoin d'hommes qui coopèrent uniment et en grand nombre, qui veulent consommer toujours davantage, et dont les goûts sont standardisés, facilement modelables et prévisibles. D'hommes qui, tout en ayant le sentiment de rester libres et autonomes, de n'être soumis à aucune autorité, règle ou contrainte intérieure, acceptent cependant d'être commandés, d'exécuter ce que l'on attend d'eux, de s'insérer sans frictions dans la machine sociale. D'hommes que l'on peut diriger sans violence, conduire sans chefs, mouvoir sans but, sinon celui de tenir sa place, d'être en mouvement, de fonctionner, de continuer d'avancer.

L’homme moderne a perdu contact avec lui-même, avec autrui et avec la nature. Transformé en marchandise, il éprouve ses forces vitales comme un investissement dont il doit tirer le maximum du profit possible en rapport avec les conditions du marché. Les rapports humains sont essentiellement des rapports entre automates aliénés, chacun assurant sa sécurité en s’efforçant de rester proche de la foule et de ne pas s’en distinguer en pensée, sentiment ou action. Dès lors, chacun reste absolument seul, en proie à l’insécurité, l’angoisse et la culpabilité, tous sentiments inéluctables lorsque l’on ne parvient pas à surmonter la solitude humaine.

Pour aider les gens à rester consciemment inconscients de cette solitude, notre civilisation offre de nombreux palliatifs : en premier lieu, la routine stricte du travail mécanique, bureaucratisé, qui noie dans l’inconscience les désirs humains les plus fondamentaux, le désir nostalgique de transcendance et d’unité. Dans la mesure où la routine du travail n’y réussit pas à elle seule, l’homme surmonte son désespoir inconscient par la routine de l’amusement, par la consommation passive des sons et des spectacles qu’offre l’industrie des loisirs ; à quoi s’ajoute la satisfaction d’acheter des choses toujours nouvelles et de bientôt les échanger pour d’autres. L’homme moderne n’est pas loin de ressembler au portrait que Huxley a tracé dans son Brave New World : bien nourri, bien vêtu, sexuellement satisfait, mais dépourvu de soi, sans autre contact avec autrui que superficiel.

L'art d'aimer de Erich Fromm.




J'ai appris une chose et je sais,en mourant, qu'elle vaut pour chacun: vos bons sentiments, que signifient-ils si rien n'en paraît en dehors? Et votre savoir, qu'en est-il s'il reste sans conséquences? Je vous le dis: souciez-vous en quittant ce monde, non d'avoir été bon, cela ne suffit pas, mais de quitter un monde bon !

Bertolt Brecht




Politiquement, la faiblesse de l'argument du moindre mal a toujours été que ceux qui choisissent le moindre mal oublient très vite qu'ils ont choisi le mal.

Hannah Arendt, Responsabilité et jugement.



Du moment que la peur précède et anticipe la connaissance et la réflexion, il est inutile de chercher à convaincre l'apeuré avec des preuves et des arguments rationnels : la peur est, avant tout, l'impossibilité d'accéder à un raisonnement qui ne soit par suggéré par la peur elle-même.

Giorgio Agamben





On calcule qu'au moyen âge les gens ne travaillaient guère plus de la moitié de l'année. Il y avait cent quarante et une fêtes chômées (Levasseur, op. cit., p.239, et Liesse, le Travail, 1889, p. 253, sur le nombre de jours ouvrables en France avant la Révolution). L'extension monstrueuse de la journée de travail caractérise le début de la révolution industrielle, les travailleurs étant obligés de concurrencer les premières machines. Auparavant, en Angleterre, la journée de travail allait de onze ou douze heures au XVe à dix heures au XVIIe (H. Herkner, "Arbeitszeit", in Handwörterbuch für die Staatswissenschaft, 1923, I, 889). En bref "les travailleurs ont connu pendant la première moitié du XIXe des conditions d'existence pires que celles subies auparavant par les plus infortunés" (Edouard Dolléans, Histoires du travail en France, 1953). Le progrès accompli à notre époque est généralement surestimé puisque nous le mesurons à un véritable "âge des ténèbres". Il est possible, par exemple, que l'espérance de vie telle qu'elle est aujourd'hui dans les pays les plus civilisés corresponde seulement à ce qu'elle était dans certains siècles de l'antiquité. Nous n'en savons évidement rien, mais la longévité de nombreux personnages célèbres invite à poser la question.

Hannah Arendt, Condition de l'homme moderne.




Croire que l'on a la solution des problèmes politiques ou économiques est une des catastrophes de notre société : les plans, la planification dans tous les domaines sont, autant que la prévisionnite, une maladie mortelle. En ce sens notre société est pire que celles où l'on vivait dans un univers religieux, car ces sociétés connaissaient le doute et les incertitudes, alors que le croyant en des solutions scientifiques et techniques est l'inexpiable bourreau collectif de notre monde, insensible aux remords autant qu'aux scrupules.

Jacques Ellul, La foi au prix du doute.




On ne s'en prend jamais au contenu et aux finalités de la production industrielle, à la vie parasitaire qu’elle nous fait mener, au système de besoin qu'elle définit ; on déplore seulement que la cybernétique n'ait pas été à l'arrivée l'émancipation attendue.

Jaime Semprun, L'abîme se repeuple.




On retrouve l'anthropocentrisme dans ce que les écoles forestières enseignent aux futurs ingénieurs : "Une forêt que l'on n'exploite pas va s'étouffer et mourir." Si l'on se souvient que les forêts mondiales existent depuis le Dévonien, il y a 380 millions d'années, on admettra que l'anthropocentrisme atteint ici les dimensions de l'arrogance.

Francis Hallé, Pour une forêt primaire.




Arbeit macht frei, grande formule inscrite à la porte des camps de concentration par les nazis. Car eux aussi participent à la communion fraternelle en la valeur travail. Et comme ils ont bien compris, comme ils ont bien exprimé le lieu commun fondamental, ils ne sont pas assez stupides pour inscrire sur leurs frontons "voi ch'entrate, lasciate... (note en bas de page : Lasciate ogne speranza, voi ch'entrate, vers fameux du chant III de l'Enfer de Dante, généralement traduit en français par l'alexandrin : Vous qui entrez ici, laissez toute espérance.) C'est ici l'astuce et le plus grand mensonge mais qui leur est fourni par la société bourgeoise, et par la société communiste. Vous êtes enfermés, vous êtes mal nourris, vous êtes mal traités, vous avez froid, vous êtes sous le coup de la mort, mais il y a une espérance : le travail. Quoique derrière des barbelés le travail vous libère, vous apporte dignité, vertu, justice, vous êtes encore un homme puisque vous travaillez. Vous êtes un homme libre parce que le travail c'est la garantie et l'assouvissement de votre liberté intérieur. Et cette admirable trouvaille, que seuls de mauvais esprits peuvent considérer comme dérision, peut s'appliquer partout : ouvriers soumis au patron, le travail rend libre, c'est la même démonstration. Russe soumis à la dictature stalinienne, le travail rend libre, c'est la même démonstration.

Jacques Ellul, Pour qui, pour quoi travaillons-nous ?



On peut définir le totalitarisme moderne comme l'instauration, à travers l'état d'exception, d'une guerre civile légale qui permet l'élimination non seulement des adversaires politiques, mais aussi de catégories entières de la population qui semblent ne pas pouvoir être intégrées au système politique. Depuis, la création délibérée d'un état d'urgence permanent est devenue une des pratiques essentielles des États contemporains, démocraties comprises. Il n'est pas nécessaire d'ailleurs que l'état d'urgence soit déclaré au sens technique du mot.

Giorgio Agamben, Etat d'exception.




Certes, il importe aux sciences politiques et sociales de savoir qu’il est dans la nature même du gouvernement totalitaire, et peut-être est-ce la nature de toute bureaucratie, de transformer les hommes en fonctionnaires, en simples rouages de la machine administrative et, ainsi, de les déshumaniser.

Hannah Arendt, Eichmann à Jérusalem.



En 2002, dans un article de la revue scientifique Nature, Paul Crutzen développe sa proposition : il faut ajouter un nouvel âge à nos échelles stratigraphiques pour signaler que l'Homme, en tant qu'espèce, est devenu une force d'ampleur tellurique. Après le Pléistocène, qui a ouvert le Quaternaire il y a 2,5 millions d'années, et l'Holocène, qui a débuté il y a 11 500 ans, "il semble approprié de nommer Anthropocène l'époque géologique présente, dominée à de nombreux titres par l'action humaine". Le Prix Nobel propose de faire débuter ce nouvel âge en 1784, date du brevet de James Watt sur la machine à vapeur, symbole du commencement de la révolution industrielle et de la "carbonification" de notre atmosphère par combustion du charbon prélevé dans la lithosphère.

Jean-Baptiste Fressoz, Christophe Bonneuil, L'événement anthropocène.




Toute organisation concentre, donc uniformise. Et partout sur terre, peuples, cultures et civilisations disparaissent. Bororos, Béarnais ou Gitans, tous reçoivent la même instruction ou font les mêmes gestes ; mais au moment où ils quittent les champs et les rues, ils entrent au musée. Car la société qui les détruit ne leur veut aucun mal, au contraire elle les aime et fait tous ses efforts pour les conserver dans le formol ou sur pellicule. On peut donc parler d’un génocide universel opéré par la société industrielle ; mais parce que ce génocide va de soi, il s’opère sans pleurs, avec la collaboration des intéressés. Il est donc bien plus efficace que celui d’Hitler.

Bernard Charbonneau, Le système et le chaos - Où va notre société ?





Jamais sans doute une société n’aura vanté à ce point la jeunesse, comme modèle de comportement et d’usage de la vie, et jamais elle ne l’aura dans les faits aussi mal traitée. Chesterton avait pressenti dans Divorce, que le sens ultime des théories pédagogiques alors les plus avancées, selon lesquelles il convenait de considérer l’enfant comme un individu complet et déjà autonome, était de vouloir « que les enfants n’aient point d’enfance » (Hannah Arendt a redit cela beaucoup plus tard, à sa manière). S’étant débarrassé, avec l’individualité, du problème de sa formation, la société de masse se trouve en mesure de réaliser ce programme, et dialectiquement de le compléter avec ce que l’on a appelé son « puérilisme », en faisant en sorte que les adultes n’aient point de maturité. Les consommateurs étant traités en enfants, les enfants peuvent bien l’être en consommateurs à part entière (« prescripteurs », comme tous les publicitaires le savent, d’une part sans cesse croissante des achats de leurs parents). De tout ce qu’un dressage si précoce à la consommation dirigée entraîne d’infirmités et de pathologies diverses, les honnêtes gens soucieux de « protection de l’enfance » parlent fort peu. Ils se demandent d’ailleurs tout aussi peu comment il se fait que les pervers et les sadiques dont ils s’inquiètent de protéger leurs enfants soient venus à tant abonder, justement dans les sociétés les plus modernes, policées, rationnelles.

Quand on dit que la jeunesse n’a jamais été aussi mal traitée, et non seulement dans ces pays lointains sur le dénuement desquels on s’apitoie, mais ici même, dans les métropoles de l’abondance, on se voit en général opposer le travail des enfants au XIXème siècle, ou bien la mise en apprentissage d’avant-guerre. Comme toutes les images en forme de slogans qui servent à justifier le progrès, celle-ci permet de ne rien dire sur ce que le progrès a effectivement apporté, ou de dire seulement que cela pourrait être pire. En l’occurrence, c’est la scolarité prolongée qui est tenue par postulat pour un bonheur et une conquête au mépris de tous les faits constatables et accablants ; parmi lesquels le moindre est que ces études dites supérieures, auxquelles on ouvre un accès aisé par des taux de réussite au baccalauréat fixés administrativement, ne préparent à rien qui mérite encore le nom de métier. Cela n’est certes pas fait pour entraver le fonctionnement d’une économie moderne, puisqu’on sait qu’on n’y embauche guère que dans cette néo-domesticité des « services », qui va du livreur de pizza à l’animateur socioculturel. Et de toute façon, il importe assez peu qu’on laisse mariner plus ou moins longtemps dans le jus malpropre de l’Education nationale ceux qui seront surtout « élevés à la console de jeux ». Car, pour en revenir aux mauvais traitements, là est l’essentiel : nous voyons grandir les premières générations qui auront été livrées à la vie numérisée sans que ne s’interpose plus rien, ou presque, de ce qui dans les mœurs empêchait encore il y a peu de s’y adapter complètement.

Jaime Semprun, L'abîme se repeuple.




Toute société constituée par des hommes dépendant les uns des autres se développe selon les lois de la nature organique. Elle naît de la fusion de différents germes et croît comme un arbre, auquel une série de circonstances confère son individualité.

Ernst Jünger, Lieutenant Sturm.





Plus la vie elle-même devient stéréotypée, plus le stéréopathe se sent dans son droit et voit son schéma de pensée confirmé par la réalité. La communication de masse moderne, modelée sur la production industrielle, diffuse un système de stéréotypes qui lui permettent à tout moment d'avoir l'air à la page et "très bien informé".

Theodor W. Adorno, Etudes sur la personnalité autoritaire.




Il n'est pas de document de culture qui ne soit en même temps un document de barbarie.

Walter Benjamin




La révolution industrielle a remplacé l'artisanat par le travail.

Hannah Arendt, Condition de l'homme moderne.




Il n’est pas besoin d’être particulièrement porté à la critique pour s’apercevoir que l’affranchissement apporté par l’époque bourgeoise a sombré dans une absurdité irrémédiable. Chaque progrès apparaît foncièrement vicié et en règle générale tout ce qui devrait faciliter la vie la dévore. L’idée que le processus historique commencé à la Renaissance puisse connaître un aboutissement heureux est si bien discréditée qu’on peut dire que les Temps Modernes ont atteint leur point de perfection, la perfection étant précisément la qualité de ce qui ne peut plus être amélioré. Les Temps Modernes sont donc achevés : ils avaient commencé dans les villes, ils finissent avec elles.

Jaime Semprun, Dialogues sur l'achèvement des temps modernes.




Le problème de l’avenir que nous prépare la science, hier entrevu seulement par quelques isolés comme Aldous Huxley, nous est aujourd’hui posé par l’accélération brutale des sciences et des techniques de la vie.

La manipulation des embryons, demain sans doute celle des gènes, met fin à une reproduction naturelle inséparable de notre identité : des mots fondamentaux pour l’individu comme pour la société, tels que père, mère, fille ou fils, perdront tout sens. Les enfants de l’amour et du hasard deviendront ceux de la raison et du laboratoire. Les rêves les plus fous du désir individuel ou de la raison d’État deviendront réalisables. L’eugénisme, la sélection d’un peuple débarrassé de tout germe de maladie ou de folie, s’opérera à la racine dans le silence, fécond parce que stérile, d’un institut scientifique.

Bernard Charbonneau, Totalitarisme Industriel.





Cette création incessante de lois et de règlements restrictifs entourant des formalités les plus byzantines les moindres actes de la vie, a pour résultat fatal de rétrécir de plus en plus la sphère dans laquelle les citoyens peuvent se mouvoir librement. Victimes de cette illusion qu'en multipliant les lois l'égalité et la liberté se trouvent mieux assurées, les peuples acceptent chaque jour de plus pesantes entraves.

Gustave Le Bon, Psychologie des foules.




L’exploitation industrielle des forêts tropicales est conduite par des groupes financiers qui n’ont aucun idéal, aucune éthique, aucune parole mobilisatrice, et dont les moteurs sont la technologie et le profit. Par prudence, ils pratiquent le greenwashing, comme j’ai pu le constater en 2012 sur un chantier de Rougier-Gabon, dans l’Ogooé-Ivindo : œuvrant dans la légalité la plus complète ce chantier est titulaire du label Forest Stewardship Council (FSC), censé garantir le respect de la forêt exploitée ; mais les experts décidant du maintien du label n’arrivent plus à l’improviste comme par le passé : on sait d’avance quand ils vont venir, et les responsables ont donc le temps de mettre de l’ordre ; de toute façon ces experts ne verront que ce que l’on veut bien leur montrer : il suffit de bloquer avec un tronc tombé les pistes qui mènent aux parcelles saccagées.

Francis Hallé, Un jardin après la pluie.




La modestie devant les arbres s'impose dans tous les domaines. Ne nous y trompons pas : à notre époque où triomphent les techno-sciences, nous sommes tout à fait incapables de construire un édifice qui aurait les mêmes propriétés technologiques qu'un arbre.

Francis Hallé, Plaidoyer pour l'arbre.



Après des millénaires de rationalité, la panique s'empare de nouveau de l'humanité, dont la domination acquise sur la nature devenue domination de l'homme excède de loin en horreur ce que les hommes eurent jamais à craindre de la nature.

Theodor W. Adorno, Minima Moralia : Réflexions sur la vie mutilée.



C'est le progrès, qui n'est jusqu'ici que décomposition : chaos de pavillons, d'immeubles, de ferrailles et de détritus. Et à travers l'informe et l'innommable, la banlieue parfois la Zone, s'écoule la diarrhée d'asphalte que répand la bagnole avant d'aller crever contre un poteau ou dans un pré. Les fermes abandonnées s'écaillent ou s'écroulent, quand elles ne se fardent pas pour plaire à un bourgeois. La lèpre ronge touyas et forêts. Peines et maladies reculent, la production augmente, et le bonheur aussi, paraît-il. Mais à perte de vue, il ne voit que des ruines ou des ébauches, c'est-à-dire des chantiers. Ce qui importe n'est pas ce que l'on vit, mais ce que l'on fabrique, et c'est toujours la même chose. À quoi bon regarder ? Bientôt ce ne sera pas plus la peine que dans les tunnels du métro. Ici comme n'importe où, ce monde perpétuellement à venir ne parle plus aux sens, et donc n'a pas de sens. Les fruits de cette mue sont purement sociaux, ni l'ouïe, ni la vue ne les enregistrent, mais la statistique. Où sommes-nous ? Quelque part entre deux murs, du côté de Bochum ou de Brisbane. Il n'y a plus de pays, de paysans, mais seulement le folklore : la petite momie attifée en Ossaloise qu'on fait danser au pied des HLM.

Bernard Charbonneau.





Le dernier stade de la société de travail, la société d'employés, exige de ses membres un pur fonctionnement automatique, comme si la vie individuelle était réellement submergée par le processus global de la vie de l'espèce, comme si la seule décision encore requise de l'individu était de lâcher, pour ainsi dire, d'abandonner son individualité, sa peine et son inquiétude de vivre encore individuellement senties, et d'acquiescer à un type de comportement, hébété, "tranquillisé" et fonctionnel. Ce qu'il y a de fâcheux dans les théories modernes du comportement, ce n'est pas qu'elles sont fausses, c'est qu'elles peuvent devenir vraies, c'est qu'elles sont, en fait, la meilleure mise en concepts possible de certaines tendances évidentes de la société moderne.

Hannah Arendt, Condition de l'homme moderne.




Nous voulons simple­ment la vie normale, c’est-à-dire l’exer­cice de la vie, la liberté dans la nature inté­grale. Le salut n’est que dans l’abo­li­tion des villes, foyers perma­nents, inévi­tables, d’épi­dé­mies.

Henri Zisly , dans la revue Les Naturiens, août 1899.



Quand le travail succède à la cueillette des ressources offertes à l'ingéniosité humaine par la terre, l'eau, les forêts, le vent, le soleil, la lune, les saisons, il substitue à la relation symbiotique des hommes et de la nature un rapport de violence. L’environnement et la vie qui en est issue déchoient au rang de pays conquis et à reconquérir sans relâche. Le producteur les traite en insoumis, en ennemis sournois.

La nature a connu le sort de la femme, admirable comme objet, méprisable comme sujet. Elle a été violée, chiffonnée, saccagée, dépecée en propriétés, mortifiée juridiquement, épuisée jusqu'à la stérilisation. Le corps rompu au va-et-vient des muscles et aux redondances de l'esprit, n'est-ce pas le triomphe de la civilisation sur les « bas instincts », entendez la quête du plaisir ?

On sait comment tant de vertus gouvernant le bonheur ont propagé le goût de détruire et de se détruire. Quand l'usine du travail universel n'absorbait pas l'énergie libidinale, le trop-plein se débondait en conflits d'intérêts et de pouvoir que les Causes aussi diverses que sacrées promenaient de drapeau en drapeau.

Cependant, la nature humaine s'épuise aussi et l'hédonisme qui réduit la satisfaction des désirs à la consommation de plaisirs surgelés est bien contemporain des forêts moribondes, des rivières sans poissons et des miasmes nucléaires.

Le travail a si bien séparé l'homme de la nature et de sa nature que rien de vivant ne peut désormais s'investir dans l'économie sans prendre le parti de la mort. On conçoit que d'autres voies paraissent et que la gratuité, jadis taxée d'irréalité, soit désormais la seule réalité à créer.

Raoul Vaneigem, adresse aux vivants sur la mort qui les gouverne et l'opportunité de s'en défaire.



La croissance, le développement : le progrès, c’est aujourd’hui le réel, le fatum, contre lequel on ne peut rien, et la liberté humaine. Existe-t-il quelque chose en dehors de lui ? À peine quelques scintillements fugitifs là-haut dans l’écume de la lourde vague d’hommes, de ciment et d’hydrocarbures : là-haut dans la culture. On ne va pas contre le cours du progrès …

Bernard Charbonneau, Le système et le chaos - Où va notre société ?




La simplicité c’est se mettre à nu devant les autres

Et nous avons tant de difficulté à être vrais avec les autres.

Nous avons peur d’être mal compris, de paraître fragiles,

de nous retrouver à la merci de ce qui nous fait face.

Nous ne nous exposons jamais.

Parce qu’il nous manque la force d’être des hommes,

celle qui nous fait accepter nos limites,

celle qui nous les fait comprendre, en leur donnant du sens et en les transformant en énergie,

en force précisément.

J’aime la simplicité qui s’accompagne d’humilité.

J’aime les clochards.

J’aime les gens qui savent écouter le vent sur leur propre peau,

sentir l’odeur des choses,

en capturer l’essence.

Ceux dont la chair est en contact avec la chair du monde.

Parce que là est la vérité, là est la douceur, là est la sensibilité, là est encore l’amour.


Alda Merini





Rien au monde n'est plus doux ni plus fin

 que l'eau. Elle n'a pourtant pas son

   pareil pour éroder la roche.

Chacun sait que le frêle triomphe du fort,

  que le dur cède devant le doux,

 mais nul n'agit en conséquence pour qu'il en soit ainsi.

Lao Tseu





Ne pas mourir est une chose. Vivre en est une autre. Nous entrons dans une ère où l'homme cultive et multiplie tous les moyens de ne pas mourir (médecine, confort, assurances, distractions), tout ce qui permet d'étirer ou de supporter l'existence dans le temps, mais non pas de vivre, car l'unique source de la vraie vie réside au-delà du temps et contient aussi la mort dans son unité. Nous voyons poindre l'aurore douteuse et bâtarde d'une civilisation où le souci stérilisant d'échapper à la mort conduira les hommes à l'oubli de la vie.

Gustave Thibon, Notre regard qui manque à la lumière.




Il est des moments où il faut choisir entre vivre sa propre vie pleinement, entièrement, complètement, ou traîner l'existence dégradante, creuse et fausse que le monde, dans son hypocrisie, nous impose ... Le monde pris en masse est un monstre bourré de préjugés, rempli de préventions, rongé par ce qu'il appelle les vertus, un puritain, un poseur. Or l'art de la vie est l'art du défi. Le défi, voilà ce pourquoi nous devrions vivre, au lieu de vivre comme nous faisons, en acquiesçant. Qu'un homme cultivé puisse accepter les normes de cette époque me semble la pire des immoralités.

Oscar Wilde



Mortels, ne cesserez-vous point de calomnier la nature ? Pourquoi vous plaindre que la vie est courte ? S'il est un seul d'entre vous qui sache mettre assez de tempérance à ses désirs pour ne jamais souhaiter que le temps s’écoule, celui-là ne l'estimera point trop courte. Vivre et jouir seront pour lui la même chose ; et dût-il mourir jeune, il ne mourra que rassasié de jours.

Jean-Jacques Rousseau - Émile, ou De l'éducation




Vous avez cru que tout pouvait se mettre en chiffres et en formules ! Mais dans votre belle nomenclature, vous avez oublié la rose sauvage, les signes du ciel, les visages d'été, la grande voix de la mer, les instants du déchirement et la colère des hommes ! ... Au sein de vos plus apparentes victoires, vous voilà déjà vaincus, parce qu'il y a dans l'homme une force que vous ne réduirez pas, ignorante et victorieuse à tout jamais. C'est cette force qui va se lever et vous saurez alors que votre gloire était fumée. 

Albert Camus, L'Etat de Siège.




Nous sommes au temps des hurlements et un homme qui refuse cette ivresse facile fait figure de résigné. J’ai le malheur de ne pas aimer les parades, civiles ou militaires. Laissez-moi vous dire cependant, sans élever le ton, que la vraie résignation conduit à l’aveugle orthodoxie et le désespoir aux philosophies de la violence. C’est assez vous dire que je ne me résignerai jamais à rien de ce à quoi vous avez déjà consenti.

Albert Camus




Ce n'est pas la révolte en elle même qui est belle,mais ce qu'elle éxige!

Albert Camus



Chaque fois qu'une voix libre s'essaiera à dire, sans prétention, ce qu'elle pense, une armée de chiens de garde de tout poil et de toute couleur aboiera furieusement pour couvrir son écho...

Albert Camus




L’intelligence sans caractère est bien pire, à la fin, que la très heureuse imbécillité. Faute de volonté ferme, elle se donne volontiers une doctrine implacable et c’est ainsi qu’on a vu naître cette espèce si particulière à notre temps : l’intellectuel dur, prêt à justifier toutes les terreurs au nom du seul réalisme.


Albert Camus








Nous vivons dans le monde de l'abstraction, celui des bureaux et des machines, des idées absolues et du messianisme sans nuances. Nous étouffons parmi les gens qui croient avoir absolument raison, que ce soit dans leurs machines ou dans leurs idées. Et pour tous ceux qui ne peuvent vivre que dans le dialogue et dans l'amitié des hommes, ce silence est la fin du monde.


Albert Camus, dans combat.






L’homme est la seule créature qui refuse d’être ce qu’elle est.

Albert Camus




En apparence tout le monde aujourd'hui aime l'humanité (comme on aime la côte de bœuf, saignante) et tout le monde détient une vérité. Mais c'est là l'extrémité d'une décadence. La vérité pullule sur ses fils assassinés.

Albert Camus




La civilisation industrielle, en supprimant la beauté naturelle, en la couvrant sur de longs espaces par le déchet industriel crée et suscite les besoins artificiels. Elle fait que la pauvreté ne peut plus être vécue et supportée.

Albert Camus





A une ou deux exceptions près, le ricanement, la gouaille et le scandale forment le fond de notre presse. A la place de nos directeurs de journaux, je ne m'en féliciterais pas. Tout ce qui dégrade la culture raccourcit les chemins qui mènent à la servitude. Une société qui supporte d'être distraite par une presse déshonorée et par un millier d'amuseurs cyniques, décorés du nom d'artistes, court à l'esclavage malgré les protestations de ceux-là mêmes qui contribuent à sa dégradation.

Albert Camus



Le monde change, et avec lui les hommes et la France elle-même. Seul l'enseignement français n'a pas encore changé. Cela revient à dire qu'on apprend aux enfants de ce pays à vivre et à penser dans un monde déjà disparu.

Albert Camus




La seule façon de lutter contre la peste, c’est l’honnêteté.

Albert Camus



Il n'y a pas de honte à être heureux. Mais aujourd'hui l'imbécile est roi, et j'appelle imbécile celui qui a peur de jouir.

Albert Camus, Les Noces.




Le contraire d'un peuple civilisé, c'est un peuple créateur.

Albert Camus, Noces.




Désespérer une jeune âme est un crime.

Albert Camus, Caligula.



La bêtise insiste toujours, on s’en apercevrait si l’on ne pensait pas toujours à soi. Nos concitoyens à cet égard étaient comme tout le monde, ils pensaient à eux-mêmes, autrement dit ils étaient humanistes : ils ne croyaient pas aux fléaux. Le fléau n’est pas à la mesure de l’homme, on se dit donc que le fléau est irréel, c’est un mauvais rêve qui va passer. Mais il ne passe pas toujours et, de mauvais rêve en mauvais rêve, ce sont les hommes qui passent, et les humanistes en premier lieu, parce qu’ils n’ont pas pris leurs précautions. … Ils continuaient de faire des affaires, ils préparaient des voyages et ils avaient des opinions. Comment auraient-ils pensé à la peste qui supprime l’avenir, les déplacements et les discussions ? Ils se croyaient libres et personne ne sera jamais libre tant qu’il y aura des fléaux.

Albert Camus, la peste.




Le mal qui est dans le monde vient presque toujours de l'ignorance, et la bonne volonté peut faire autant de dégâts que la méchanceté, si elle n'est pas éclairée.

Albert Camus, la peste.




il vient toujours une heure dans l'histoire où celui qui ose dire que deux et deux font quatre est puni de mort.

Albert Camus, la peste.




Dans tous les cas, à supposer qu'on veuille avoir une idée juste de l'état d'esprit où se trouvaient les séparés de notre ville, il faudrait de nouveau évoquer ces éternels soirs dorés et poussiéreux, qui tombaient sur la cité sans arbres, pendant qu'hommes et femmes se déversaient dans toutes les rues. Car, étrangement, ce qui montait alors vers les terrasses encore ensoleillées, en l'absence des bruits de véhicules et de machines qui font d'ordinaire tout le langage des villes, ce n'était qu'une énorme rumeur de pas et de voix sourdes, le douloureux glissement de milliers de semelles rythmé par le sifflement du fléau dans le ciel alourdi, un piétinement interminable et étouffant enfin, qui remplissait peu à peu toute la ville et qui, soir après soir, donnait sa voix la plus fidèle et la plus morne à l'obstination aveugle qui, dans nos cœurs, remplaçait alors l'amour.

Albert Camus, la peste.



On commence par vouloir la justice et on finit par organiser une police.

Albert Camus, les justes.




L'intelligence dans les chaînes perd en lucidité ce qu'elle gagne en fureur.

Albert Camus, l'homme révolté.



La vraie générosité envers l'avenir consiste à tout donner au présent.

Albert Camus, l'homme révolté.




Le fascisme, c'est le mépris, en effet. Inversement, toute forme de mépris, si elle intervient en politique, prépare ou instaure le fascisme.

Albert Camus, l'homme révolté.



La vérité est que tout homme intelligent, vous le savez bien, rêve d'être un gangster et de régner sur la société par la seule violence. Comme ce n'est pas aussi facile que peut le faire croire la lecture des romans spécialisés, on s'en remet généralement à la politique et l'on court au parti le plus cruel.

Albert Camus, la chute.



La démocratie ce n’est pas la loi de la majorité mais la protection de la minorité.

Albert Camus Carnet troisième.




Il n'y a ni justice ni liberté possibles lorsque l'argent est toujours roi.

Camus , Combat.



Le bien-être du peuple en particulier a toujours été l'alibi des tyrans, et il offre de plus l'avantage de donner bonne conscience aux domestiques de la tyrannie.

Albert Camus, Hommage à un journaliste exilé.




Marche ! Nous voilà condamnés à être plus grands que nous-mêmes. Les êtres, les visages, voilà ce qu'on voudrait aimer. L'amour plutôt que la justice !

Albert Camus, les justes.




Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde !

Albert Camus




La défaite définitive est celle qui termine les guerres et fait de la paix elle-même une souffrance sans guérison.

Albert Camus



L'espoir, au contraire de ce que l'on croit, équivaut à la résignation. Et vivre, c'est ne pas se résigner.

Albert Camus




La révolution consiste à aimer un homme qui n'existe pas encore.

Albert Camus



Comprendre c'est avant tout unifier.

Albert Camus



Le problème n'est plus d'amener les gens à s'exprimer mais de fournir des petits moments de solitude et de silence dans lesquels ils peuvent trouver quelque chose à dire. Les forces d'oppression n'empêchent pas les gens de s'exprimer, elles les forcent au contraire à s'exprimer. Quel soulagement que de n'avoir rien à dire, le droit de ne rien dire, parce que seulement à ce moment il devient possible de saisir cette chose rare et toujours plus rare : ce qui vaut la peine d'être dit.

Gilles Deleuze, Pourparlers.



Alors que partout cette langue met l'accent sur l'organique, sur ce qui pousse naturellement, elle est envahie d'expressions mécaniques.

Victor Klemperer, L.T.I., la langue du IIIème Reich.



L’histoire d'un pays se raconte plus par ses bistrots, ses rencontres inopinées que par ses cathédrales et ses musées.

Elisée Reclus, Préface à la nouvelle géographie universelle.



Jamais ceux qui pensent ne doivent oublier que les ennemis de la pensée sont en même temps par la force des choses, par la logique de la situation, les ennemis de toute liberté.

Elisée Reclus, Ecrits sociaux.



C'est avec un sentiment de honte qu'après tant de siècles passés à l’œuvre de civilisation nous entendons encore des voix célébrer les “hommes providentiels“ ou les “gouvernements forts“comme les éducateurs des peuples. L'histoire se charge de démentir ces théories d'esclaves et nous prouve comment, même au sein des plus atroce despoties, la vie n'a pu se maintenir que par le travail coordonné de tous les membres du corps social.

Elisée Reclus, Libre nature.



Tant que les hommes seront en lutte pour déplacer les bornes patrimoniales et les frontières fictives de peuple à peuple, tant que le sol nourricier sera rougi du sang de malheureux affolés qui combattent soit pour un lambeau de territoire, soit pour une question d'honneur prétendu, soit par rage pure, comme les barbares des anciens jours, la terre ne sera point ce paradis que le regard du chercheur aperçoit déjà par delà les temps.

Elisée Reclus, Libre nature.





Chose admirable et qui m’enchante toujours ! ce ruisselet est pauvre et intermittent ; mais son action géologique n’en est pas moins grande ; elle est d’autant plus puissante relativement que l’eau coule en plus faible quantité. C’est le mince filet liquide qui a creusé l’énorme fosse, qui s’est ouvert ces entailles profondes à travers l’argile et la roche dure, qui a sculpté les degrés de ces cascatelles, et, par l’éboulement des terres, a formé ces larges cirques dans les berges. C’est aussi lui qui entretient cette riche végétation de mousses, d’herbes, d’arbustes et de grands arbres. Est-il un Mississippi, un fleuve des Amazones qui proportionnellement à sa masse d’eau, accomplisse à la surface de la terre la millième partie de ce travail ? Si les rivières puissantes étaient les égales en force du ruisselet temporaire, elles raseraient des chaînes de montagnes, se creuseraient des abîmes de plusieurs milliers de mètres de profondeur, nourriraient des forêts dont les cimes iraient se balancer jusque dans les couches supérieures de l’air. C’est précisément dans ses plus petites retraites que la nature montre le mieux sa grandeur. Étendu sur un tapis de mousse, entre deux racines qui me servent d’appui, je contemple avec admiration ces hautes berges, ces défilés, ces cirques, ces gradins et la sombre voûte de feuillage qui me racontent avec tant d’éloquence l’œuvre grandiose de la goutte d’eau.

Elisée Reclus, Histoire d'un ruisseau.





Dès que le révolutionnaire est « arrivé », dès qu’il s’est casé dans une niche gouvernementale, il cesse naturellement d’être révolutionnaire pour se faire conservateur ; cela est fatal. De défenseur de l’opprimé, il se change à son tour en oppresseur ; après avoir excité le peuple, il travaille à l’émasculer.

Elisée Reclus, Ecrits sociaux.



Il est cependant des esprits timorés qui croient honnêtement à l'évolution des idées, qui espèrent vaguement dans une transformation correspondante des choses, et qui néanmoins, par un sentiment de peur instinctive, presque physique, veulent, au moins de leur vivant, éviter toute révolution. Ils révoquent et la conjurent en même temps : ils critiquent la société présente et rêvent de la société future comme si elle devait apparaître soudain, par une sorte de miracle, sans que le moindre craquement de rupture se produise entre le monde passé et le monde futur. Êtres incomplets, ils n'ont que le désir, sans avoir la pensée ; ils imaginent, mais ils ne savent point vouloir.

Elisée Reclus, L'évolution, la révolution et l'idéal anarchique.




Sans doute, cet idéal semble chimérique à plusieurs d'entre vous, mais je suis sûr aussi qu'il paraît désirable à la plupart et que vous apercevez au loin l'image éthérée d'une société pacifique où les hommes désormais réconciliés laisseront rouiller leurs épées, refondront leurs canons et désarmeront leurs vaisseaux.

Elisée Reclus, L'anarchie.




Ce n'est pas seulement aux livres, c'est à a Terre elle-même que je me suis adressé pour avoir la connaissance de la Terre.

Elisée Reclus.



Le tigre peut se détourner de sa victime, mais les livres de banque prononcent des arrêts sans appels; les hommes, les peuples sont écrasés sous ces pesantes archives, dont les pages silencieuses racontent en chiffres l’œuvre impitoyable. Si le capital devait l'emporter, il serait temps de pleurer notre âge d'or, nous pourrions alors regarder derrière nous et voir, comme une lumière qui s'éteint, tout ce que la terre eut de doux et de bon, l'amour, la gaieté, l'espérance. L'Humanité aurait cessé de vivre.

Elisée Reclus, Ecrits sociaux.



Sinon votre sort à venir est horrible, car nous sommes dans un âge de science et de méthode et nos gouvernants, servis par l'armée des chimistes et des professeurs, vous préparent une organisation sociale dans laquelle tout sera réglé comme dans une usine, où la machine dirigera tout, même les hommes, où ceux-ci seront de simples rouages que l'on changera comme de vieux fer quand ils se mêleront de raisonner et de vouloir.

Elisée Reclus, A mon Frère le paysan.



Numa Pompilius, nous dit la légende romaine, avait pour conseillère la nymphe Égérie. Seul, il pénétrait dans les profondeurs des bois, sous l’ombrage mystérieux des chênes ; il s’approchait avec confiance de la grotte sacrée, et pour sa vue, l’eau pure de la cascade, à la robe ourlée d’écume, au voile flottant de vapeurs irisées, prenait l’aspect d’une femme belle entre toutes et souriante d’amour. Il lui parlait comme un égal, lui, le chétif mortel, et la nymphe répondait d’une voix cristalline, à laquelle le murmure du feuillage et tous les bruits de la forêt se mêlaient comme un chœur lointain. C’est ainsi que le législateur apprenait la sagesse. Nul vieillard à la barbe blanchie n’eût su prononcer des paroles semblables à celles qui tombaient des lèvres de la nymphe, immortelle et toujours jeune.

Que nous dit cette légende, sinon que la nature seule, et non pas le tumulte des foules, peut nous initier à la vérité ; que pour scruter les mystères de la science il est bon de se retirer dans la solitude et de développer son intelligence par la réflexion ? Numa Pompilius, Égérie ne sont que des noms symboliques, résumant toute une période de l’histoire du peuple romain aussi bien que de chaque société naissante : c’est aux nymphes, ou, pour mieux dire, c’est aux sources, aux forêts, aux montagnes, qu’à l’origine de toute civilisation les hommes ont dû leurs mœurs et leurs lois. Et quand bien même il serait vrai que la discrète nature eût pu ainsi donner des conseils aux législateurs, transformés bientôt en oppresseurs de l’humanité, combien plus n’a-t-elle pas fait en faveur des souffrants de la terre, pour leur rendre le courage, les consoler dans leurs heures d’amertume, leur donner une force nouvelle dans la grande bataille de la vie ! Si les opprimés n’avaient pu retremper leur énergie et se refaire une âme par la contemplation de la terre et de ses grands paysages, depuis longtemps déjà l’initiative et l’audace eussent été complètement étouffées. Toutes les têtes se seraient courbées sous la main de quelques despotes, toutes les intelligences seraient restées prises dans un indestructible réseau de subtilités et de mensonges.

Elisée Reclus, Histoire d'un ruisseau.




La contradiction est souvent des plus choquantes entre les circonstances révolutionnaires qui virent naître l'institution et la manière dont elle fonctionne, absolument à rebours de l'idéal qu'avaient eu ses naïfs fondateurs. A sa naissance, on poussait des cris de: Liberté! Liberté! et l'hymne de Guerre aux Tyrans résonnait dans les rues; mais les "tyrans" sont entrés dans la place, et cela par le fait même de la routine, de la hiérarchie et de l'esprit de regrès qui envahissent graduellement toute institution. Plus elle se maintient longtemps et plus elle est redoutable, car elle finit par pourrir le sol sur lequel elle repose, par empester l'atmosphère autour d'elle: les erreurs qu'elle consacre, les perversions d'idées et de sentiments qu'elle justifie et recommande prennent un tel caractère d'antiquité, de sainteté même, que rares sont les audacieux qui osent s'attaquer à elle.

Elisée Reclus, Ecrits sociaux.




Nous en avons assez de ces rois élus par la grâce de Dieu ou nommés par la volonté du peuple, de ces plénipotentiaires ou ministres, responsables ou irresponsables; de ces législateurs qui se font accorder, soit par le prince, soit par un troupeau d'électeurs, leur "part de royauté"; de ces magistrats qui vendent au plus offrant ce qu'ils appellent "la justice"; de ces prêtres qui, représentant Dieu sur la terre, promettent des places au paradis à ceux qui se font leurs esclaves; de ces grossiers sabreurs qui demandent, eux aussi, une obéissance aveugle, une suspension absolue de l'intelligence et de la morale personnelle chez tous ceux qui ont le malheur d'emboîter le pas dans leurs bataillons; de ces propriétaires ou patrons qui disposent le travail, et par conséquent, de la vie de la foule immense des faibles et des pauvres. Nous en avons assez de toutes les formules religieuses, juridiques ou prétendues morales, qui nous enferment et maintiennent nos esprits dans la servitude, assez de cette affreuse routine qui est le pire de tous les gouvernements et le mieux obéi ...

Elisée Reclus, L'anarchie.




L'évolution est le mouvement infini de tout ce qui existe, la transformation

incessante de l'univers et de toutes ses parties depuis les origines éternelles et pendant l'infini des âges. Les voies lactées qui font leur apparition dans les espaces sans bornes, qui se condensent et se dissolvent pendant les millions et les milliards de siècles, les étoiles, les astres qui naissent, qui s'agrègent et qui meurent, notre tourbillon solaire avec son astre central, ses planètes et ses lunes, et, dans les limites étroites de notre petit globe terraqué, les montagnes qui surgissent et qui s'effacent de nouveau, les océans qui se forment pour tarir ensuite, les fleuves qu'on voit perler dans les vallées puis se dessécher comme la rosée du matin, les générations des plantes, des animaux et des hommes qui se succèdent, et nos millions de vies imperceptibles.

Elisée Reclus, L’évolution, la révolution et l’idéal anarchique.




La terre deviendra propriété collective, les barrières seront enlevées et désormais le sol appartenant à tous pourra être aménagé pour l'agrément et le bien-être de tous. Les produits demandés seront précisément ceux que la terre peut le mieux fournir, et la production répondra exactement aux besoins sans que jamais rien ne se perde comme dans le travail désordonné qui se fait aujourd'hui. De même la distribution de toutes ces richesses entre les hommes sera enlevée à l'exploiteur privé et se fera par le fonctionnement normal de la société toute entière.

Elisée Reclus, L'anarchie.



La conquête du pouvoir fut presque toujours la grande préoccupation des révolutionnaires, mêmes des mieux intentionnés. L'éducation reçue ne leur permettait pas de s'imaginer une société libre fonctionnant sans gouvernement régulier, et, dès qu'ils avaient renversé des maîtres haïs, ils s'empressaient de les remplacer par d'autres maîtres.

Elisée Reclus, L'anarchie.



L’émotion que l’on éprouve à contempler tous les paysages de la planète dans leur variété sans fin et dans l’harmonie que leur donne l’action des forces ethniques toujours en mouvement, cette même douceur des choses, on la ressent à voir la procession des hommes sous leurs vêtements de fortune ou d’infortune, mais tous également en état de vibration harmonique avec la Terre qui les porte et les nourrit, le ciel qui les éclaire et les associe aux énergies du cosmos.

Elisée Reclus, L'homme et la terre.



La terre est assez grande et les quatorze cent millions d’hommes qui l’habitent présentent assez de diversités et de contrastes pour que l’on puisse en parler sans se livrer à des répétitions inutiles.

Elisée Reclus, Préface à la nouvelle géographie universelle.



Mais cet anarchiste qui s'est débarrassé moralement de la domination d'autrui et qui ne s'accoutume jamais à aucune des oppressions matérielles que des usurpateurs font peser sur lui, cet homme n'est pas encore son maître aussi longtemps qu'il ne s'est pas émancipé de ses passions irraisonnées.

Il lui faut se connaître, se dégager de son propre caprice, de ses pulsions violentes, de toutes ses survivances d'animal préhistorique, non pour tuer ses instincts, mais pour les accorder harmonieusement avec l'ensemble de sa conduite.

Libéré des autres hommes, il doit l'être également de lui-même.

Elisée Reclus, Pourquoi sommes nous anarchistes?



Mais là où la pratique anarchiste triomphe, c’est dans le cours ordinaire de la vie, parmi les gens du populaire, qui certainement ne pourraient soutenir la terrible lutte de l’existence s’ils ne s’entraidaient spontanément, ignorant les différences et les rivalités des intérêts. Quand l’un d’entre eux tombe malade, d’autres pauvres prennent ses enfants chez eux, on le nourrit, on partage la maigre pitance de la semaine, on tâche de faire sa besogne, en doublant les heures. Entre les voisins une sorte de communisme s’établit par le prêt, le va et vient constant de tous les ustensiles de ménage et des provisions.

Elisée Reclus, L'anarchie.




Toutefois notre regard n'est point assez vaste pour embrasser dans son ensemble le circuit de la goutte, et nous nous bornons à la suivre dans ses détours et ses chutes depuis son apparition dans la source jusqu'à son mélange avec l'eau du grand fleuve ou de l'océan. Faibles comme nous le sommes, nous tâchons de mesurer la nature à notre taille; chacun de ses phénomènes se résume pour nous en un petit nombre d'impressions que nous avons ressenties.

Elisée Reclus, Histoire d'un ruisseau.



La Production libre et la Répartition équitable pour tous ,telle est la réalisation que nous exigeons de l'avenir.

Elisée Reclus, L'homme et la terre.



La morale et la pratique anarchistes sont la règle même dans les réunions bourgeoises d’où, de prime abord, elles nous semblent complètement absentes. Que l’on s’imagine une fête de campagne où quelqu’un, soit l’hôte, soit l’un des invités, affecte des airs de maître, se permettant de commander ou de faire prévaloir indiscrètement son caprice ! N’est-ce pas la mort de toute joie, la fin de tout plaisir ? Il n’est de gaieté qu’entre égaux et libres, entre gens qui peuvent s’amuser comme il leur convient, par groupes distincts, si cela leur plaît mais rapprochés les uns des autres, et s'entremêlant à leur guise, parce que les heures passées ainsi leur semblent plus douces.

Elisée Reclus, L'anarchie.



Évitez cette mort à tout prix, camarades. Gardez jalousement votre terre, vous qui en avez un lopin ; elle est votre vie et celle de la femme, des enfants que vous aimez. Associez-vous aux compagnons dont la terre est menacée comme la vôtre par les usiniers, les amateurs de chasse, les prêteurs d'argent ; oubliez toutes vos petites rancunes de voisin à voisin, et groupez-vous en communes où tous les intérêts soient solidaires, où chaque motte de gazon ait tous les communiers pour défenseurs.

Elisée Reclus, A mon Frère le paysan.



La nature, immuable dans ses lois, mais éternellement changeante dans ses phénomènes, ne se répète jamais.

Elisée Reclus, Libre nature.



Malheureusement ce reflux des villes vers l'extérieur ne s'opère pas sans enlaidir les campagnes : non seulement les détritus de toute espèce encombrent l'espace intermédiaire compris entre les cités et les champs ; mais, chose plus grave encore, la spéculation s'empare de tous les sites charmants du voisinage, elle les divise en lots rectangulaires, les enclôt de murailles uniformes, puis y construit par centaines et par milliers des maisonnettes prétentieuses.

Elisée Reclus, Du sentiment de la nature dans les sociétés modernes.



En chaque pays, le capital cherche à maîtriser les travailleurs ; de même, sur le plus grand marché du monde, le capital, accru démesurément, insoucieux de toutes les anciennes frontières, tente de faire œuvrer à son profit la masse des producteurs et s'assurer tous les consommateurs du globe, sauvages et barbares aussi bien que civilisés. Le capitalisme déstructure l'harmonie naturelle et sociale, il réduit la planète à un gisement l'humanité à un marché.

Elisée Reclus, L'anarchie.



Il est certain que si tous les paysans d'un même district avaient compris combien l'union peut accroître la force contre l'oppression, ils n'auraient jamais lissé périr les communautés des temps primitifs, les «groupes d'amis», comme on les appelle en Serbie et autres pays slaves. Le propriété collective de ces associations n'est point divisée en d'innombrables enclos par des haies, des murs et des fossés. Les compagnons n'ont point à se disputer pour savoir si un épi poussé à droite ou à gauche du sillon est bien à eux.

Elisée Reclus, A mon Frère le paysan.



Il y a quelques années, après avoir écrit les dernières lignes d’un long ouvrage, la Nouvelle Géographie universelle, j’exprimais le vœu de pouvoir un jour étudier l’Homme dans la succession des âges comme je l’avais observé dans les diverses contrées du globe et d'établir les conclusions sociologiques auxquelles j’avais été conduit. Je dressai le plan d’un nouveau livre où seraient exposées les conditions du sol, du climat, de toute l’ambiance dans lesquelles les événements de l’histoire se sont accomplis, où se montrerait l’accord des Hommes et de la Terre, où les agissements des peuples s’expliqueraient, de cause à effet, par leur harmonie avec l’évolution de la planète.

Elisée Reclus, L'homme et la terre.



L'aliénation intellectuelle est une création de la société bourgeoise. Et j'appelle société bourgeoise toute société qui se sclérose dans des formes déterminées, interdisant toute évolution, toute marche, tout progrès, toute découverte. J'appelle société bourgeoise une société close où il ne fait pas bon vivre, où l'air est pourri, les idées et les gens en putréfaction. Et je crois qu'un homme qui prend position contre cette mort est en un sens un révolutionnaire.

Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs. 



Les hommes sont devenus les outils de leurs outils.

Henry David Thoreau



Il n’est jamais trop tard pour renoncer aux préjugés. On ne peut se fier sans preuve à aucune manière de penser ni d’agir, aussi ancienne soit-elle. Ce que tous répètent ou transmettent tacitement comme étant la vérité d’aujourd’hui peut demain se révéler mensonge, simple fumée de l’opinion, que certains ont prise pour une nuée capable d’arroser d’une pluie fertilisante leurs champs. Ce que les vieilles gens disent que vous ne pouvez pas faire, en l’essayant vous découvrez que vous le pouvez. Laissons l’ancien temps aux anciens, et que les nouveaux venus s’occupent des temps nouveaux.

Henry David Thoreau



L'homme est riche de tout ce dont il peut se passer.

Henry David Thoreau



Il faut au peuple des machineries bien compliquées, n’importe lesquelles pourvu qu’elles pétaradent, afin de répondre à l’idée qu’il se fait du gouvernement.

Henry David Thoreau, La désobéissance civile.



A quoi bon emprunter sans cesse le même vieux

sentier ?

Vous devez tracer des sentiers vers l'inconnu.

Si je ne suis pas moi, qui le sera ?

La marche est une lecture du lieu

qui prélude à la compréhension inépuisable de Soi.

Henry David Thoreau



Je gagnai les bois parce que je voulais vivre suivant mûre réflexion, n’affronter que les actes essentiels de la vie, et voir si je ne pourrais apprendre ce qu’elle avait à enseigner, non pas, quand je viendrais à mourir, découvrir que je n’avais pas vécu. Je ne voulais pas vivre ce qui n’était pas la vie, la vie est si chère ; plus que ne voulais pratiquer la résignation, s’il n’était tout à fait nécessaire. Ce qu’il me fallait, c’était vivre abondamment, sucer toute la moelle de la vie, vivre assez résolument, assez en spartiate, pour mettre en déroute tout ce qui n’était pas la vie...

Henry David Thoreau, Walden ou La vie dans les bois.




Même voter pour ce qui est juste, ce n’est rien faire pour la justice. Cela revient à exprimer mollement votre désir qu’elle l’emporte. Un sage n’abandonne pas la justice aux caprices du hasard.

Henry David Thoreau, La désobéissance civile.




Ainsi l’État n’affronte jamais délibérément le sens intellectuel et moral d’un homme, mais uniquement son être physique, ses sens. Il ne dispose contre nous ni d’un esprit ni d’une dignité supérieurs, mais de la seule supériorité physique. Je ne suis pas né pour qu’on me force. Je veux respirer à ma guise.

Henry David Thoreau, La désobéissance civile.




La vérité du juriste n’est pas la Vérité.

Henry David Thoreau



L’homme laborieux n’a pas le loisir qui convient à une véritable intégrité de chaque jour. Il n’a pas le temps d’être autre chose qu’une machine.

Henry David Thoreau




Fais en sorte que ton chant de vie ne soit pas ton métier, mais ton loisir. Jouis de la terre, mais ne la possède pas. C’est par manque d’entreprise et par manque de courage que les hommes se trouvent là où ils sont, à acheter et à vendre, et à passer leurs vies à trimer comme des serfs.

Henry David Thoreau,Walden ou La vie dans les bois.




Si l’injustice est indissociable du frottement nécessaire à la machine gouvernementale, l’affaire est entendue. Si, de par sa nature, cette machine veut faire de nous l’instrument de l’injustice envers notre prochain, alors je vous le dis, enfreignez la loi. Que votre vie soit un contre-frottement pour stopper la machine.

Henry David Thoreau, La désobéissance civile.




Si vous voulez convaincre un homme qu'il agit mal, agissez bien. Mais ne vous souciez pas de le convaincre. Les hommes croient ce qu'ils voient. Alors, donnez-leur à voir !

Henry David Thoreau, Lettres à Harrison G.O. Blake



Mieux que l'amour, l'argent, la gloire, donnez moi la l'authenticité. je me suis assis à une table où nourriture et vins riches étaient en abondance, et le service obséquieux, mais où n'étaient ni l'authenticité, ni la vérité sincère; et c'est affamé que j'ai quitté l'inhospitalière maison.

Henry David Thoreau,Walden ou La vie dans les bois.



La plupart des hommes mènent une existence de désespoir tranquille.

Henry David Thoreau,Walden ou La vie dans les bois.



Peut-on imaginer plus grand miracle que celui qui a lieu lorsque nous nous regardons dans les yeux les uns les autres l'espace d'un instant ?

Henry David Thoreau,Walden ou La vie dans les bois.



Ce serait merveilleux de voir l'humanité goûter pour une fois au temps libre. Ce n'est que travail, et travail encore. Je pense qu'il n'est rien, pas même le crime, de plus opposé à la poésie, à la philosophie, voire à la vie elle-même, que cette incessante activité

Henry David Thoreau, La Vie sans principe.




Ce qu'il faut aux hommes, ce n'est pas quelque chose à apprendre, mais quelque chose à être.

Henry David Thoreau




Comment la jeunesse pourrait-elle apprendre à mieux vivre qu'en faisant tout d'abord l'expérience de la vie ? Il me semble que cela lui exercerait l'esprit tout autant que le font les mathématiques.

Henry David Thoreau, Walden ou La vie dans les bois.



Car j'étais riche, sinon d'argent, du moins d'heures ensoleillées comme de jours d'été, et les dépensais sans compter.

Henry David Thoreau, Walden ou La vie dans les bois.




Parfois, après une indigestion de société humaine et de commérages, ayant usé jusqu'à la corde tous mes amis du village, je m'en allais à l'aventure plus loin encore vers I'ouest que là où d'ordinaire je m'arrête dans des parties de la commune encore plus écartées "vers des bois nouveaux et des pâtures neuves", ou bien, tandis que le soleil se couchait, faisais mon souper de gaylussacies et de myrtilles sur Fair-Haven Hill, et en amassais une provision pour plusieurs jours. Les fruits ne livrent pas leur vraie saveur à celui qui les achète non plus qu'à celui qui les cultive pour le marché. Il n'est qu'une seule façon de l'obtenir, encore que peu emploient cette façon-là. Si vous voulez connaître la saveur des myrtilles, interrogez le petit vacher ou la gelinotte. C'est une erreur grossière pour qui ne les cueillit point, de s'imaginer qu'il a goûté à des myrtilles. Jamais une myrtille ne va jusqu'à Boston ; on ne les y connaît plus depuis le temps où elles poussaient sur ses trois collines. Le goût d'ambroisie et l'essence du fruit disparaissent avec le velouté qu'enlève le frottement éprouvé dans la charrette qui va au marché, et ce devient simple provende. Aussi longtemps que régnera la Justice éternelle, pas la moindre myrtille ne pourra s'y voir transportée des collines du pays en son innocence.

Henry David Thoreau, Walden ou La vie dans les bois.




La solution de tous les problèmes ne réside pas dans une meilleure répartition des richesses, ou dans une production sans cesse accrue au moyen de machines sans cesse plus perfectionnées, mais au contraire dans la réduction systématique des besoins.

Chercher à produire davantage n'aboutit qu'à un nouvel esclavage.

Henry David Thoreau




Il existe, cependant, une consolation pour le voyageur le plus rompu sur cette route poussiéreuse ; le chemin décrit par ses pieds est si parfaitement symbolique de la vie humaine – tantôt gravissant des collines, tantôt descendant des vallées. Quand il est au sommet, il voit les cieux et l’horizon, et quand il est dans la vallée, il lève encore ses yeux vers les hauteurs. Il parcourt toujours ses vieilles leçons, et, aussi las et rompu qu’il soit par la route, son expérience reste sincère.

Henry David Thoreau, La marche.



La plupart des luxes, et nombre de soi-disant conforts de la vie, sont non seulement non indispensables, mais agissent qui plus est comme obstacles à l’émancipation de l’humanité.

Henry David Thoreau, Walden ou La vie dans les bois.



Je ne connais guère d’intellectuel suffisamment large d’esprit et tolérant au point de pouvoir penser à voix haute en sa compagnie. La plupart de ceux avec lesquels on essaie de parler prennent bientôt appui sur quelque institution dans laquelle il s’avère qu’ils ont un pied, autrement dit, ils adoptent une façon particulière, et non universelle, de voir les choses. Ils n’ont de cesse d’imposer leur propre toit peu élevé, avec sa fenêtre étroite, entre le ciel et vous, quand ce sont les cieux dégagés que vous voudriez voir.

Henry David Thoreau, La Vie sans principe.




Nous nous vantons de notre système d’éducation, mais pourquoi nous limiter aux enseignants et aux écoles ? Nous sommes tous des enseignants et notre école est l’Univers. Passer notre temps au bureau ou à l’école, tout en négligeant le paysage dans lequel il se trouve est absurde.

Henry David Thoreau, Myrtilles : La beauté des petites choses.




Le génie est une lumière qui rend la pénombre visible, comme l'éclair d'un orage, qui fracasse par hasard le temple du savoir.

Henry David Thoreau, De la marche.



Il existe un feu souterrain qui couve dans la nature et jamais ne s'éteint, et dont aucun froid ne peut venir à bout ... Ce feu souterrain a son autel dans chaque poitrine humaine. Par le jour le plus froid et sur la colline la plus exposée, le marcheur nourrit dans les plis de sa veste un feu encore plus chaud que celui que l'on allume dans chaque foyer. Un homme en bonne santé, de fait, équilibre chaque saison, de telle sorte que, en hiver, l'été est dans son coeur. Là est le Sud.

Henry David Thoreau, Balade d'hiver.



A l’état sauvage toute famille possède un abri valant les meilleurs, et suffisant pour ses besoins primitifs et plus simples ; mais je ne crois pas exagérer en disant que si les oiseaux du ciel ont leurs nids, les renards leurs tanières, et les sauvages leurs wigwams, il n’est pas dans la société civilisée moderne plus de la moitié des familles qui possède un abri. Dans les grandes villes et cités, où prévaut spécialement la civilisation, le nombre de ceux qui possèdent un abri n’est que l’infime minorité. Le reste paie pour ce vêtement le plus extérieur de tous, devenu indispensable été comme hiver, un tribut annuel qui suffirait à l’achat d’un village entier de wigwams indiens, mais qui pour l’instant contribue au maintien de sa pauvreté sa vie durant.

Henry David Thoreau, Walden ou La vie dans les bois.



De façon générale, les hommes, même en ce pays relativement libre, sont tout simplement, par suite d'ignorance et d’erreur, si bien pris par les soucis factices et les travaux inutilement rudes de la vie, que ses fruits plus beaux ne savent être cueillis par eux.

Henry David Thoreau, Walden ou La vie dans les bois.



Oh ! que ne puis-je trouver un homme, un vrai, comme dit l’autre, pas une chiffe qu’on retourne comme un gant ! … L’homme moderne s’est réduit à n’être qu’un membre Affilié, type reconnaissable à l’hypertrophie de son sens grégaire et à un manque manifeste d’intellect et d’allègre confiance en soi, dont le premier et le principal souci en venant au monde est de veiller à l’entretien des hospices et de s’en aller ouvrir une souscription pour le soutien des veuves et des orphelins éventuels ... qui, en un mot, ne s’aventure à vivre que soutenu par sa Compagnie d’Assurances Mutuelles, en échange de la promesse d’un bel enterrement.

Henry David Thoreau, La désobéissance civile.




Ce qui se trouve devant nous et ce qui se trouve derrière nous sont bien peu de chose au regard de ce qui se trouve à l'intérieur de nous.

Et lorsque nous faisons jaillir dans le monde ce qui se trouve en nous, des miracles se produisent.

Henry David Thoreau.




Enfin, nous avons vu le soleil se lever sur la mer, et briller sur la plaine ; dès lors l’atmosphère se clarifia de plus en plus jusqu’au moment de notre départ, et nous avons commencé à prendre conscience de l’étendue de la vue, et de combien la terre, par sa largeur même, offrait une réponse au ciel, et les villages blancs un pendant aux constellations du ciel.

Henry David Thoreau, La montagne.



En m’entretenant avec les plus affranchis de mes concitoyens, je m’aperçois qu’en dépit de tous leurs propos, ils ne peuvent se passer de la protection du gouvernement en place et qu’ils redoutent les effets de leur désobéissance sur leurs biens ou leur famille.

Henry David Thoreau, La désobéissance civile.




Si nous voulons rétablir l'humanité suivant les moyens vraiment indiens, botaniques, magnétiques, ou naturels, commençons par être nous-mêmes aussi simples et aussi bien portants que la nature, dissipons les nuages suspendus sur nos propres fronts, et ramassons un peu de vie dans nos pores.

Henry David Thoreau, Walden ou La vie dans les bois.




Après avoir sarclé, et peut-être lu et écrit, dans la matinée, je prenais d'ordinaire un second bain dans l'étang, traversant à la nage quelqu'une de ses criques comme épreuve de distance, lavais ma personne des poussières du labeur, ou effaçais la dernière ride causée par l'étude, et pour l'après-midi étais entièrement libre. Chaque jour ou sur un jour d'intervalle j'allais faire un tour au village, entendre quelqu'un des commérages qui là sans cesse vont leur train, en passant de bouche en bouche, ou de journal à journal, et qui, pris en doses homéopathiques, étaient, il faut bien le dire aussi rafraîchissants, à leur façon, que le bruissement des feuilles et le pépiement des grenouilles. De même que je me promenais dans les bois pour voir les oiseaux et les écureuils, ainsi me promenais-je dans le village dans pour voir les hommes et les gamins.

Henry David Thoreau, Walden ou La vie dans les bois.



Il y a chez l'homme qui construit sa propre maison un peu de cet esprit d'à-propos que l'on trouve chez l'oiseau qui construit son propre nid. Si les hommes construisaient de leurs propres mains leurs demeures, et se procuraient la nourriture pour eux-même comme pour leur famille, simplement et honnêtement, qui sait si la faculté poétique ne se développerait pas universellement, tout comme les oiseaux universellement chantent lorsqu'ils s'y trouvent invités ?

Henry David Thoreau, Walden ou La vie dans les bois.



Si un gland et une châtaigne tombent côte à côte, l'un ne reste pas inerte pour céder la place à l'autre ; tous deux obéissent à leurs propres lois, germent, croissent et prospèrent de leur mieux, jusqu'au jour où l'un, peut-être, étendra son ombre sur l'autre et l'étouffera. Si une plante ne peut vivre selon sa nature, elle dépérit ; un homme de même.

Henry David Thoreau, La désobéissance civile.




La masse des hommes sert ainsi l’État, non point en humains, mais en machines avec leur corps. C’est eux l’armée permanente, et la milice, les geôliers, les gendarmes, la force publique, etc. La plupart du temps sans exercer du tout leur libre jugement ou leur sens moral ; au contraire, ils se ravalent au niveau du bois, de la terre et des pierres et on doit pouvoir fabriquer de ces automates qui rendront le même service. Ceux-là ne commandent pas plus le respect qu’un bonhomme de paille ou une motte de terre. Ils ont la même valeur marchande que des chevaux et des chiens. Et pourtant on les tient généralement pour de bons citoyens.

Henry David Thoreau, La désobéissance civile.




A travers les feuilles d'un bon livre on pourra entendre un écho qui ressemble aux bruits des forêts.

Henry David Thoreau, Journal.



La richesse d’un homme se juge à la quantité de choses dont il peut se permettre de ne pas s’occuper.

Henry David Thoreau, Walden ou La vie dans les bois.



Nous devons apprendre à nous éveiller de nouveau et à rester éveillés, non pas grâce à une assistance mécanique mais grâce à notre espérance infinie de l'aube.

Henry David Thoreau



Et lorsque le fermier possède enfin sa maison, il se peut qu’au lieu d’en être plus riche il en soit plus pauvre, et que ce soit la maison qui le possède.

Henry David Thoreau, Walden ou La vie dans les bois.



Ce n'est que lorsque nous sommes perdus, en d'autres termes lorsque nous avons perdu le monde que nous commençons à nous trouver, que nous comprenons où nous sommes et l'étendue infinie de nos relations.

Henry David Thoreau, Walden ou La vie dans les bois.




Pour les Pyramides, ce qu’elles offrent surtout d’étonnant, c’est qu’on ait pu trouver tant d’hommes assez avilis pour passer leur vie à la construction d’une tombe destinée à quelque imbécile ambitieux, qu’il eût été plus sage et plus mâle de noyer dans le Nil pour ensuite livrer son corps aux chiens.

Henry David Thoreau, Walden ou La vie dans les bois.



Je n’ai payé aucune capitation depuis six ans ; cela me valut de passer une nuit en prison ; tandis que j’étais là à considérer les murs de grosses pierres de deux à trois pieds d’épaisseur, la porte de bois et de fer d’une épaisseur d’un pied et le grillage en fer qui filtrait la lumière, je ne pus m’empêcher d’être saisi devant la bêtise d’une institution qui me traitait comme un paquet de chair, de sang et d’os, bon à être mis sous clef. Je restais étonné de la conclusion à laquelle cette institution avait finalement abouti, à savoir que c’était là le meilleur parti qu’elle pût tirer de moi ; il ne lui était jamais venu à l’idée de bénéficier de mes services d’une autre manière. Je compris que, si un rempart de pierre s’élevait entre moi et mes concitoyens, il s’en élevait un autre, bien plus difficile à escalader ou à percer, entre eux et la liberté dont moi, je jouissais. Pas un instant, je n’eus le sentiment d’être enfermé et les murs me semblaient un vaste gâchis de pierre et de mortier. J’avais l’impression d’être le seul de mes concitoyens à avoir payé l’impôt. De toute évidence, ils ne savaient pas comment me traiter et se comportaient en grossiers personnages. Chaque menace, chaque compliment cachait une bévue ; car ils croyaient que mon plus cher désir était de me trouver de l’autre côté de ce mur de pierre. Je ne pouvais que sourire de leur empressement à pousser le verrou sur mes méditations qui les suivaient dehors en toute liberté, et c’était d’elles, assurément, que venait le danger. Ne pouvant m’atteindre, ils avaient résolu de punir mon corps, tout comme des garnements qui, faute de pouvoir approcher une personne à qui ils en veulent, s’en prennent à son chien. Je vis que l’État était un nigaud, aussi apeuré qu’une femme seule avec ses couverts d’argent, qu’il ne distinguait pas ses amis d’avec ses ennemis, et perdant tout le respect qu’il m’inspirait encore, j’eus pitié de lui.

Henry David Thoreau, La désobéissance civile.



Que la marée quotidienne laisse quelque dépôt sur ces pages, comme elle dépose le sable et les coquillages sur le rivage. Ainsi augemente la terra firma. Ceci est peut-être un calendrier des flux et des reflux de l'âme ; et sur ces pages comme sur une plage, les vagues pourront jeter des perles et des algues.

Henry David Thoreau, Journal.



Lorsque je flotte sur des eaux calmes, je suis moi aussi une planète ; j’ai ma propre orbite dans l’espace et je ne suis plus un satellite de la terre.

Henry David Thoreau, Journal.



Certaines personnes portent en elles à la fois l’apparence et la réalité de la vertu, sans en être conscientes, et sont assez humbles pour l’apprécier chez autrui. Il est impossible de ne pas les aimer- c’est comme si leur charme était indépendant de leur personne, de sorte que vous n’avez pas l’impression qu’il a disparu lorsqu’elles s’absentent. Et dès qu’elles sont là, c’est comme une présence invisible qui veille sur vous.

Cette vertu que nous apprécions est autant la nôtre que celle d’autrui. Nous ne voyons bien que ce que nous possédons.

Henry David Thoreau, Journal.



Aucune méthode ni aucune discipline ne peut rendre caduque la nécessité d'être perpétuellement en alerte. Que vaut un cours d'histoire, ou de philosophie, ou de poésie, aussi soigneusement choisi soit-il ; que valent la meilleure compagnie, ou les plus admirables des habitudes de vie, comparées à la discipline qui consiste à s'astreindre à toujours regarder ce qu'il y a à voir ? Serez-vous un lecteur, un simple étudiant, ou serez-vous un voyant ? Lisez votre destin, voyez ce qu'il y a devant vous, et marchez vers l'avenir.

Henry David Thoreau, Walden ou La vie dans les bois.



Cette lecture-là - celle des œuvres que nous ne pouvons lire autrement que debout sur la pointe de nos pieds, en leur consacrant nos heures les plus alertes et les plus éveillées - est la seule vraie lecture - au contraire de l'autre, qui nous berce comme nous bercent les luxes, et laissent nos plus nobles facultés s'endormir en lisant.

Henry David Thoreau, Walden ou La vie dans les bois.



L’amour est le vent, la marée, les vagues, le soleil. Sa puissance est incalculable, il fait plusieurs chevaux-vapeur. Il ne cesse jamais, il ne se relâche jamais. Il peut faire tourner le globe sans répit, il peut chauffer sans feu, il peut nourrir sans aliments, il peut vêtir sans habits, il peut abriter sans toit, il peut créer un Paradis intérieur qui rend inutile tout Paradis extérieur. Mais bien que les plus sages d’entre les hommes, à chaque génération, se soient employés à décrire cette force dans des livres, et bien que chaque cœur humain soit tôt ou tard, plus ou moins, amené à l’éprouver, il n’en demeure pas moins que l’on n’en utilise qu’une faible part pour vivre ensemble.

Henry David Thoreau, Le paradis à reconquérir.



Je ne suis pas né pour qu'on me force. Je veux respirer à ma guise. Voyons qui l'emportera. Quelle force dans la multitude ? Seuls peuvent me forcer ceux qui obéissent à une loi supérieure à la mienne. ceux-là me forcent à leur ressembler.

Henry David Thoreau, La désobéissance civile.



La majesté de ces prodigieuses masses de nuages tourmentés, ballottées à travers le ciel, semble gâchée par la médiocrité de mes occupations.

Henry David Thoreau, Journal.



Il n’est pas d’homme qui ne regarde son tas de bois avec une sorte d’amour. J’aimais avoir le mien devant ma fenêtre, et plus il y avait de copeaux, plus cela me rappelait de bonnes journées de vitalité … Comme mon homme en charrette l’avait prophétisé le jour où je lsarclais, elles me chauffaient deux fois, d’abord lorsque je les fendais, ensuite lorsqu’elles étaient sur le feu, de sorte que nul combustible n’eût pu fournir plus de chaleur.

Henry David Thoreau, Walden ou La vie dans les bois.



La nature à chaque instant s'occupe de votre bien-être. Elle n'a pas d'autre fin. Ne lui résistez pas.

Henry David Thoreau, Walden ou La vie dans les bois.




Je ne fais que répéter le témoignage de maints étrangers avisés, autant que mes propres convictions, quand je dis qu'il est probable qu'aucun pays n'a jamais été dirigé par une classe de tyrans aussi médiocres que, à quelques rares et notables exceptions près, les rédacteurs en chef de la presse périodique de ce pays. Dans la mesure où ils vivent et gouvernent uniquement grâce à leur servilité et qu'ils ne font appel qu'à ce qu'il y a de pire dans la nature humaine, et non à ce qu'elle a de meilleur, les gens qui les lisent sont pareils au chien qui retourne à son vomi.

Henry David Thoreau, De l'esclavage.




la santé se mesure à l'amour du matin.

Henry David Thoreau




Être seul était quelque chose qui, fut un temps, me déplaisanit. Mais j’étais en même temps conscient d’un léger dérangement dans mon humeur, et croyais prévoir mon rétablissement. Au sein d’une douce pluie, pendant que ces dernières pensées prévalaient, j’eus soudain le sentiment d’une société si douce et si généreuse en la Nature, en le bruit même des gouttes de pluie, en tout ce qui frappait mon oreille et ma vue autour de ma maison, une bienveillance aussi infinie qu’inconcevable tout à coup comme une atmosphère me soutenant, qu’elle rendait insignifiants les avantages imaginaires du voisinage humain, et que depuis jamais plus je n’ai songé à eux.

Henry David Thoreau, Walden ou La vie dans les bois.



Quel genre de pays est-ce donc, où les champs de myrtilles sont une propriété privée ? Quand je passe devant ces champs le long de la route, j'ai le coeur lourd. J'y vois une plaie sur la terre. La Nature est mise sous voile. Je m'empresse de m'éloigner de cet endroit de malheur. Rien ne saurait déformer davantage le beau visage de la Nature. Quand j'y repense ensuite, c'est comme à l'endroit où les belles baies délicieuses sont converties en argent, où la myrtille est profanée.

Henry David Thoreau, Myrtilles : La beauté des petites choses.



Comme si on pouvait tuer le temps sans blesser l'éternité.

Henry David Thoreau, La moelle de la vie.



Un sage ne servira qu'en sa qualité d'homme et ne se laissera pas réduire à être la glaise qui bouche le trou par où soufflait le vent ; il laisse ce rôle à ses cendres pour le moins.

Henry David Thoreau, La désobéissance civile.



Si nos vies se déroulaient en plus grande conformité avec la nature, nous ne devrions sans doute pas avoir à nous défendre contre la chaleur ou le froid qu’elle produit ; elle serait alors pour nous une nourrice et une amie constante, comme pour les plantes et les quadrupèdes.

Henry David Thoreau, De la marche.



c'est une question intéressante de savoir combien de temps les hommes conserveraient leurs rangs respectifs si on leur enlevait leurs parures.

Henry David Thoreau, La moelle de la vie.




Ce petit lac était un voisin précieux entre deux légères averses orageuses d’août quand, l’air et l’eau demeurant parfaitement immobiles, et le ciel couvert, le milieu d’après-midi avait toute la sérénité du soir et la grive des bois qui chantait à la cantonnade se faisait entendre d’une rive à l’autre.

Henry David Thoreau, Walden ou La vie dans les bois.




Rire souvent et beaucoup ; Gagner le respect des gens intelligents et l’affection des enfants. Savoir qu’un être a respiré plus aisément parce que vous avez vécu .

C’est cela, réussir sa vie ...

Henry David Thoreau, Lettres à Harrison G.O. Blake.



Le destin d'un pays ne dépend pas du bulletin que vous déposez dans l'urne une fois par an, mais du citoyen que vous déposez, chaque matin, depuis votre chambre jusque dans la rue .

Henry David Thoreau



Thoreau, rappelle Emerson, s'était donné comme principe de ne s'accorder de temps d'écriture qu'autant qu'il aurait marché. Pour éviter les pièges de la culture et des bibliothèques. Car, autrement, ce qu'on écrit est rempli de l'écriture des autres. Pour peu qu'eux-mêmes aient écrit sur les livres des autres ...



Ce que nous appelons savoir, est souvent notre ignorance positive, et l’ignorance notre savoir négatif.

Au fil des longues années d’industrie patiente et de lecture de journaux, un homme accumule une multitude de faits, les dépose dans sa mémoire, et puis quand au printemps de sa vie, il vagabonde dans les grands champs de la pensée et va, pourrait-on dire, comme un cheval à la pâture, il laisse son harnais derrière lui dans l’écurie.

l’ignorance d’un homme n’est pas seulement utile, elle est belle aussi…

A quel homme faut il mieux avoir à faire, à celui qui ne sait rien sur un sujet et, ce qui est extrénement rare, sait qu’il ne sait rien, ou bien à celui qui sait vraiment quelque chose dans ce domaine, mais croit tout savoir ?

Ma soif de savoir est intermittente, mais mon envie de baigner ma tête dans des atmosphéres inconnues à mes pieds est pérenne et constante.

Le plus haut point que nous puissions atteindre n’est pas le savoir, mais la sympathie avec l’Intelligence.

Henry David Thoreau, De la marche.




Les nations sont possédées par la démente ambition de perpétuer leur mémoire par l'amas de pierre travaillée qu'elles laissent. Que serait-ce si d'égales peines étaient prises pour adoucir et polir leurs moeurs ? Un seul acte de bon sens devrait être aussi mémorable qu'un monument aussi haut que la lune. Je préfère voir les pierres en leur place.

La grandeur de Thèbes fut une grandeur vulgaire. Plus sensé le cordon de pierre qui borne le champ d'un honnête homme qu'une Thèbes aux cent portes qui s'est écartée du sens de la vie.

Cela intéresse nombre de gens de savoir, à propos des monuments de l'Ouest et de l'Est, qui les a bâtis. Pour ma part, j'aimerais savoir qui, en ce temps-là, ne les bâtis point, qui fut au-dessus de telles futilités.

Henry David Thoreau, Walden ou La vie dans les bois.




Si vous avez construit vos châteaux dans les nuages, votre oeuvre n'est pas perdue, car c'est là qu'ils doivent être.

Asseyez-les maintenant sur des fondations ...

Henry David Thoreau



L'homme que je rencontre bien souvent n'est pas aussi instructif que le silence qu'il rompt.

Henry David Thoreau



Certains, il est vrai, érigent le don en vertu, mais en le concevant comme un sacrifice.

Pour un caractère créatif, le don revêt une signification entièrement différente.

Donner est source de plus de joie que recevoir, non parce qu'il s'agit d'une privation, mais parce que dans le don s'exprime ma vitalité.

Erich Fromm, L'art d'aimer.





Demeure le moins possible assis : ne prêter aucune foi à aucune pensée qui n’ait été grand air, dans le libre mouvement du corps, à aucune idée où les muscles n’aient été aussi de la fête. … Etre cul de plomb, je le répète, c’est le vrai péché contre l’esprit. 

... Si ton oeil était plus aigu tu verrais tout en mouvement ...

Friedrich Nietzsche



À force d’écrire…

À force d’écrire : "Signes distinctifs : Néant", le bureaucrate persuade sa victime, non seulement, qu’il n’est rien qui

la distingue mais, d’abord, qu’elle n’a pas à se distinguer.

Imagine-t-on une carte d’identité sur laquelle on lirait :

Signes distinctifs : "Sujet dangereux ; s’imagine que son

enfance continue."

Ou bien :

Signes distinctifs : "au lever du jour, dépose des violettes

sur l’oreiller des inconnues."

Georges Henein




Rien que bouffon ! Rien que poète !

N'en tenant que paroles diaprées,

Divaguant sous les masques bariolés de la farce,

Voltigeant sous les fils feints de mots insidieux,

Sous des arc-en-ciels de mensonges,

En de faux firmaments,

Voguant, flottant de ça et là,

Rien que bouffon, rien que poète !

Celui-là, l'amant de la vérité ?

Friedrich Nietzsche, Dithyrambes pour Dionysos.




L'opposition de la poésie et des grands événements de notre temps, c'est peut-être le combat de la graine et du tonnerre.

Philippe Jaccottet



Tous ceux qui survenaient et n’étaient pas moi-même

Amenaient un à un les morceaux de moi-même.

Apollinaire. 


Aucun artiste ne tolère le réel.

Friedrich Nietzsche.


 En vérité, le Ciel, et la Terre, et les dix mille êtres forment un Tout solidaire ; vouloir y faire des discriminations et des appropriations constitue une grave erreur »

Lie Tseu


Comprends-moi. Je ne suis pas comme un monde ordinaire. J'ai mon grain de folie, je vis dans une autre dimension et je n'ai aucun temps pour les choses qui manquent d'âme

Charles Bukowski


 Il m’est indifférent en quelle

Langue être incomprise et de qui !

Marina Tsvetaeva


Le mot progrès n'aura aucun sens tant qu'il y aura des enfants malheureux.

Albert Einstein


Aucun homme n'a reçu de la nature le droit de commander aux autres.

Denis Diderot


Aucun désir n'est coupable, il y a faute uniquement dans leur refoulement.

Salvador Dali


Chaque langue dit le monde à sa façon, et chacune d'elle édifie des mondes et des antimondes à sa manière 

Rudolph Steiner 


Une erreur répétée plusieurs fois est une décision ...

Paulo Coelho


Lorsqu'on tue de grands rêves, il coule beaucoup de sang

Milan Kudera


J'ai besoin de solitude, j'ai besoin d'espace ; j'ai besoin d'air. J'ai si peu d'énergie.

J'ai besoin d'être entourée de champs nus, de sentir mes jambes arpenter les routes ; besoin de sommeil et d'une vie tout animale.

 AnaÏs Nin 


Sauvage, émerveillée ou poignardée, je me tiens en solitude comme au seuil de l'immensité

Jacqueline Kelen


J'aime mieux les êtres qui saignent.J'aime les forts, bien sûr, mais pas tout à fait les forts.J'aime les forts au regard tremblant, tremblant d'amour.

Jean-René Huguenin


Il faut se mériter.

Jean-René Huguenin


Je tiens la rue comme un verre

   Plein de lumière enchantée

   Plein de paroles légères

   Et de rires sans raison

   Le plus beau fruit de la terre

Paul Éluard


 Celui qui ne sait pas s'installer sur le seuil de l'instant, en oubliant tout le passé, celui qui ne sait pas, telle une déesse de la victoire, se tenir debout sur un seul point, sans crainte et sans vertige, celui-là ne saura jamais ce qu'est le bonheur. Pire encore, il ne fera jamais rien qui rende les autres heureux. 

Nietzsche


Il est une race d’hommes, qui nous aide à respirer, qui n’a jamais trouvé d’existence et de liberté que dans la liberté et le bonheur de tous et qui puise par conséquent jusque dans les défaites des raisons de vivre et d’aimer. Ceux‐là, même vaincus, ne seront jamais solitaires".

 Albert Camus


La société n'est pas organisée par la loi mais par la tendance à imiter la médiocrité

Carl Gustav Jung


Je suis passée sur terre d’un pas de danse !

   Fille du ciel !

   Un tablier plein de roses !

Marina Tsvetaïeva



Le chemin se fait

   en marchant 

   chaque pas

   pèse plus lourd 

   qu’un destin 

Anise Koltz 


Demande-toi ce qui te rend vivant et suis-le.

Parce que ce dont le monde a besoin ce sont des gens qui ont choisi de vivre.

Walt Whitman


 

Quand on vit au milieu des bruits du monde, il faut que la voix intérieure qui s’appelle la poésie parle bien haut en nous pour que nous puissions l’entendre.

Dans la solitude, nous saisissons son moindre murmure.

Louise Ackermann


Faut-il partir ? Rester ? Si tu peux rester, reste ;

Pars s’il le faut. L’un court, et l’autre se tait

Pour tromper l’ennemi vigilant et funeste,

Le Temps ! il est hélas ! des coureurs sans répit.

Charles Baudelaire


J’ai appartenu au silence. J’ai été confondu

       avec ce qui ne s’exprime pas...

J.M.G. Le Clézio


Par le langage, l'homme s'est fait le plus solitaire des êtres du monde, puisqu'il s'est exclu du silence.

J.M.G. Le Clézio


Ceux qui répriment leur désir, sont ceux dont le désir est faible assez pour être réprimé.

William Blake


C’est avec les pierres de la Loi qu’on a bâti les prisons et avec les briques de la religion, les bordels.

William Blake


Celui qui n'ose pas regarder le soleil de face ne sera jamais une étoile.

William Blake


Pour créer la moindre fleur, des siècles ont travaillé.

William Blake


Le chemin de l'excès mène au palais de la Sagesse.

William Blake


Si les portes de la perception étaient purifiées,

Toutes les choses apparaîtraient à l'homme telles qu'elles sont, infinies.

Car l'homme s'est enfermé, jusqu'à voir toutes choses

Au travers des étroites fentes de sa caverne.

William Blake


Sois toujours prêt à dire ton avis, et le lâche t'évitera.

William Blake


Enfants des âges à venir

En lisant cette page indigné,

Sachez qu'au temps jadis

L'amour, le tendre amour était jugé comme un crime.

William Blake


Les hommes m'ont appelé fou ; mais la science ne nous a pas encore appris si la folie est ou n'est pas le sublime de l'intelligence ... si tout ce qui est la profondeur, ne vient pas d'une maladie de la pensée ... Ceux qui rêvent éveillés ont conscience de mille choses qui échappent à ceux qui ne rêvent qu’endormis.

Edgar Allan Poe


Gustave Thibon

Être dans le vent : une ambition de feuille morte...


La technologie est le trou du cul de la science.

Romain Gary


La science est devenue un moyen de la technique.

Jacques Ellul


Les maths peuvent être définies comme la science dans laquelle on ne sait jamais de quoi l'on parle ni si ce que l'on dit est vrai.

Bertrand Russell


La science est un jeu dont la règle du jeu consiste à trouver quelle est la règle du jeu.

François Cavanna


L'amour, tu sais, ce dont il a le plus besoin, c'est l'imagination. Il faut que chacun invente l'autre avec toute son imagination, avec toutes ses forces et qu'il ne cède pas un pouce de terrain à la réalité ; alors, là, lorsque deux imaginations se rencontrent... il n'y a rien de plus beau.

 Romain Gary


Bien sûr je te ferai mal. Bien sûr tu me feras mal. Bien sûr nous aurons mal. Mais ça c'est la condition de l'existence. Se faire printemps, c'est prendre le risque de l'hiver. Se faire présent, c'est prendre le risque de l'absence. C'est à mon risque de peine, que je connais ma joie. 

Antoine de Saint-Exupéry


Ce n'est paqs tant ce que les gens ignorent qui pose des problème, c'est tout ce qu'ils savent et qui n'est pas vrai .

Mark Twain


Devenir fruit d'automne. Sentir naître en soi l'âme fondante du fruit : cette douceur, cette transparence dorée et cette soif de tomber. Se détacher, non par orgueil ou par lassitude, mais par excès de pesanteur et de sucs. Se détacher comme un fruit d'automne.

Gustave Thibon


Quelqu’un est parti 

dans mes souliers

emportant avec lui

le bruit de mes pas 

Anise Koltz


La peau, de ne pas l'effleurer avec une autre peau

Ça se brise...

Les lèvres, de ne pas les effleurer avec d'autres lèvres

Elles sèchent...

Les yeux, de ne pas se regarder avec d'autres yeux

Ils se ferment...

Le corps, de ne pas sentir un autre corps près de moi

Il oublie...

L'âme, de ne pas se livrer à toute âme

Elle va mourir .


Bertolt Brecht 



William Butler Yeats

La responsabilité commence dans les rêves.


Paul Valéry

C'est ce que je porte d'inconnu à moi -même qui me fait moi.


Paul Valéry

Courons à l'onde en rejaillir vivants !


Un trop long sacrifice

Peut changer un cœur en pierre.

Quand cela sera-t-il assez ?

William Butler Yeats


Il y a des êtres qui justifient le monde, qui aident à vivre par leur seule présence.

Albert Camus


'Les autres font ce qu'ils veulent de tes mots,

Tandis que tes silences les affolent...

Tiens ta langue et il se mettront en huit pour essayer de piger ce que tu ne dis pas...'

Frédéric Dard


Une conscience sans scandale est une conscience aliénée.

Georges Bataille 


La vraie poésie est en dehors des lois.

Georges Bataille 


Je cherche une fêlure, une fêlure pour être brisé. 

Georges Bataille


Tout ça ne mérite pas d'exister si ça doit coûter une larme à un enfant. 

Philippe Léotard


Celui qui n'a pas le goût de l'absolu se contente d'une médiocrité tranquille.

Paul Cézanne


Or, les habitudes de pensée sont les entraves les moins visibles et les plus rigides

Robert Musil


Il suffit d'écouter silencieusement et tu entendras tout. Il n'y a ni vérité ni erreur, ni objet ni figuration. 

Emil Cioran


Et la question qui se pose maintenant, est de savoir si dans ce monde qui glisse, qui se suicide, sans s'en apercevoir, il se trouvera un noyau d'hommes capables d'imposer cette notion supérieure du théâtre qui nous rendra, à tous, l'équivalent naturel et magique des dogmes auquels nous ne croyons plus ! ... 

Antonin Artaud


De tous ceux qui n'ont rien à dire, les plus agréables sont ceux qui se taisent ... 

Coluche


Le monde moderne a remplacé l'imagination par l'image ...

Paul Valéry


Dis-moi, que vas-tu faire de ta vie, sauvage et précieuse ? 

Mary Oliver


Celui qui ne dispose pas des deux tiers de sa journée pour lui-même est un esclave, qu'il soit d'ailleurs ce qu'il veut : politique, marchand, fonctionnaire, érudit.

Friedrich Nietzsche 


Cette minute même qui m'arrive portée par des dizaines et des dizaines de milliards d'années passées,

Rien ne la vaut, rien ne vaut ce maintenant.

Walt Whitman


Il y a des milliers d'hommes qui taillent dans les branches du mal pour un qui s'attaque à la racine.

Henry David Thoreau


Il faut être perdu, il faut avoir perdu le monde, pour se trouver soi-même.

Henry David Thoreau


Si vous avez construit vos châteaux dans les nuages, votre oeuvre n'est pas perdue, car c'est là qu'ils doivent être. Installez-les maintenant sur des fondations

Henry David Thoreau


Je voulais vivre intensement et sucer la moelle de la vie. Et ne pas, quand je viendrai à mourir, découvrir que je n'aurai pas vécu.

Henry David Thoreau


Au diable la dictature de la peur réussie, qui nous oblige à croire que la réalité est intouchable et que la solidarité est une maladie mortelle, car notre voisin est toujours une menace et jamais une promesse.

Eduardo Galeano


Quand j'entends les hommes et les femmes dire : Autrefois je croyais en les hommes, je n'y crois plus à présent. , j'ai envie de leur objecter : Qui êtes-vous, vous que le monde a déçus ? N'avez-vous pas plutôt déçu le monde ? La confiance a toujours les mêmes raisons d'être. Il ne vous faudrait qu'un peu d'amour, à vous qui vous plaignez, pour qu'elle prît racine.

Henry David Thoreau


J'ai une pièce rien qu'à moi : la nature.

Henry David Thoreau


La poésie n'est autre chose que la santé du discours.

Henry David Thoreau


La santé se mesure à l'amour du matin et du printemps.

Henry David Thoreau


Comme si l'on pouvait tuer le temps sans insulter à l'éternité.

Henry David Thoreau


Il semble que nous ne faisons que languir dans l'âge mûr pour dire les rêves de notre enfance, et ils s'évanouissent de notre mémoire avant que nous ayons pu apprendre leur langage.

Henry David Thoreau


Si un homme marche à un autre pas que ses camarades, c'est peut-être qu'il entend le son d'un autre tambour. Laissons-le suivre la musique qu'il entend, quelle qu'en soit la cadence.

Henry David Thoreau


Je suis parti vivre dans les bois parce que je voulais vivre en toute intentionnalité ; me confronter aux données essentielles de la vie, et voir si je ne pouvais apprendre ce qu'elles avaient à m'enseigner, plutôt que de constater, au moment de mourir, que je n'avais point vécu.

Henry David Thoreau


L’homme laborieux n’a pas le loisir qui convient à une véritable intégrité de chaque jour. Il n’a pas le temps d’être autre chose qu’une machine.

Henry David Thoreau


Peut-on imaginer plus grand miracle que celui qui a lieu lorsque nous nous regardons dans les yeux les uns les autres l'espace d'un instant ?

Henry David Thoreau


Je rêve d'un peuple qui commencerait par brûler les clôtures et laisser croître les forêts !

Henry David Thoreau


Si je ne suis pas moi, qui le sera à ma place?

Henry David Thoreau


Nous devons apprendre à nous éveiller de nouveau et à rester éveillés, non pas grâce à une assistance mécanique mais grâce à notre espérance infinie de l'aube.

Henry David Thoreau


Ce qu'il faut aux hommes, ce n'est pas quelque chose à apprendre, mais quelque chose à être.

Henry David Thoreau


Il y a peu à attendre d'une nation lorsque l'humus est épuisé et qu'elle se voit contrainte d'utiliser les ossements de ses ancêtres pour engraisser le sol.

Henry David Thoreau ,


Le nomadisme intellectuel est la faculté d'objectivité, les yeux qui partout se nourrissent.

Qui possède de tels yeux entre de tous côtés en relations justes avec ses semblables.

Ralph Waldo Emerson


Je paresse et invite mon âme,

Je me penche et paresse à mon aise...tout à la contemplation d'un brin d'herbe d'été.

Walt Whitman


Car c’est là la place du poète dans la révolution : tu te tiens debout sur le trottoir et tu souffles à l’oreille des hommes et des femmes des mots de charbon rouge et de pluie bleue, des phrases d’orage doux et de soie rêche au toucher. Ta place n’est plus dans les livres, les bibliothèques ou les centres culturels stériles. Ta place est debout parmi les braseros

Timotéo Sergoï 


L'homme est la seule créature qui refuse d'être ce qu ' elle est ... 

Albert Camus


Il vaut mieux se faire détester pour ce que l'on est que de se faire aimer pour ce que l'on est pas. 

 André Gide


La croyance que rien ne change provient soit d'une mauvaise vue, soit d'une mauvaise foi. La première se corrige, la seconde se combat.

Friedrich Nietzsche


Celui qui parle à coeur ouvert est souvent invité à fermer sa gueule.

Pierre Perret


De toutes les écoles de patience et de lucidité, la création est la plus efficace.

 Albert Camus


La lucidité est le lieu de rencontre de la conscience et de la sensualité.

Norman Mailer 


La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil.”

René Char


L'âge moderne représente le triomphe de la médiocrité collective.

Gustave Le Bon


L'imitation est la forme de flatterie la plus sincère que la médiocrité puisse payer à la grandeur.

Oscar Wilde


 Le signe de la médiocrité est de ne louer que ce qui est médiocre. 

Mary Sarah Newton 


 La corruption est l'arme de la médiocrité. 

Honoré de Balzac 


 Devant la montée de la médiocrité, le génie s'assied et attend les siècles. 

Augusta Amiel-Lapeyre 


 Mais souviens-toi toujours que les monstres ne meurent pas. Ce qui peut mourir, c'est la peur qu'ils vous infondent .

Cesare Pavese


Qui chante en groupe mettra, quand on le lui demandera, son frère en prison

Henri Michaux


Ce n'est pas moi qui clame, c'est la terre qui tonne ...

Attila József


En apparence tout le monde aujourd'hui aime l'humanité (comme on aime la côte de bœuf, saignante) et tout le monde détient une vérité. Mais c'est là l'extrémité d'une décadence. La vérité pullule sur ses fils assassinés.

Albert Camus


Elle voyait dans la blessure de l’arbre

bois noirci par la foudre

branche pétrifiée brûlée d’absolu

l’entaille ouverte de sa vie

Elaine Audet


La bureaucratie et son attirail policier et militaire ont appauvri l'imagination créatrice, caractère propre à l'homme, que la société capitaliste, malgré son exploitation éhontée du travail humain, laisse encore s'exprimer le plus souvent. La bureaucratie a, dans beaucoup de domaines, châtré les découvreurs.

Henri Laborit

 

on comprend pourquoi, à la place de ces trois mots placés au fronton des bâtiments publics par une bourgeoisie, une dominance mercantile, pour qui la liberté, l'égalité et la fraternité ne s'inscrivent que dans les hiérarchies d'un peuple de boutiquiers ou d'industriels, les sociétés futures auront davantage à inscrire ces mots: "Conscience, Connaissance, Imagination"

Henri Laborit


Quand on comprend que les hommes s’entretuent pour établir leur dominance ou la conserver, on est tenté de conclure que la maladie la plus dangereuse pour l’espèce humaine, ce n’est ni le cancer, ni les maladies cardio-vasculaires, comme on tente de nous le faire croire, mais plutôt le sens des hiérarchies, de toutes les hiérarchies. Il n’y a pas de guerre dans un organisme, car aucun organe ne veut établir sa dominance sur un autre, ne veut le commander, être supérieur à lui. Tous fonctionnent de telle façon que l’organisme entier survit. Quand, dans ce grand organisme qu’est l’espèce humaine, chaque groupe humain qui participe à sa constitution comprendra-t-il qu’il ne peut avoir qu’un seul but, la survie de l’ensemble et non l’établissement de sa dominance sur les autres ? Aucun d’eux n’est représentatif à lui seul de l’espèce et ne détient à lui seul la vérité.

Henri Laborit


Nos sociétés modernes ont supprimé l’imaginaire s’il ne s’ exerce pas au profit de l’innovation technique....Ne pouvant plus imaginer, l’homme moderne compare. Il compare son sort à celui des autres. Il se trouve obligatoirement bon satisfait. Une structure sociale dont les hiérarchies de pouvoir, de consommation, de propriété, de notabilité sont entièrement établies sur la productivité en marchandises ne peut que favoriser la mémoire et l’apprentissage des concrètes et gestes efficaces dans le processus de production. Elle supprime le désir et le remplace par l’envie qui stimule non la créativité, mais le conformisme bourgeois ou pseudo- révolutionnaire.


Henri Laborit


Chaque fois qu'une voix libre s'essayera à dire, sans prétention, ce qu'elle pense, une armée de chiens de garde de tout poil et de toute couleur aboiera furieusement pour couvrir son écho.

 Albert Camus


Ce sont nos imaginations qui s'efforcent d'habiller les choses, 

 mais les choses sont divinement nues."

Marguerite Yourcenar 


Est-ce que les verbes peuvent s’inventer? Je t'en veux dire un : je te ciel...et ainsi mes ailes s’étirent, à pleines envergures, pour t’en aimer sans fin de nues.

Frida Kahlo


Un droit que bien peu d'intellectuels se soucient de revendiquer, c'est le droit à l'errance, au vagabondage. Et pourtant, le vagabondage, c'est l'affranchissement, et la vie le long des routes, c'est la liberté.

Isabelle Eberhardt. Écrits sur le sable.


Alors, pour la première fois, nous nous apercevons que notre langue manque de mots pour exprimer cette insulte : la démolition d'un homme. En un instant, dans une intuition quasi prophétique, la réalité nous apparaît : nous avons touché le fond.

Primo Levi


Une âme triste peut vous tuer plus vite, bien plus vite, qu'un germe. 

John Steinbeck


L'univers nous a offert la planète la plus fertile du système solaire. Mais le système "salaire" a fait de nous l'espèce la plus débile de l'univers. La planète, c'était un jardin. C'est devenu un magasin. On avait un monde à vivre. On en a fait un monde à vendre!

Anatole maquaire


Arthur Schopenhauer

Tout homme prend les limites de son champ de vision pour les limites du monde.


Toute vérité franchit trois étapes. D'abord, elle est ridiculisée. Ensuite, elle subit une forte opposition. Puis, elle est considérée comme ayant été une évidence.

Arthur Schopenhauer


Dans chaque être vivant se trouve en entier le centre du monde.

Arthur Schopenhauer


 La solitude c’est écouter le vent, et ne pouvoir le raconter à personne »



Jim Morrison


 Être en vie, c'est avoir des cicatrices 


John Steinbeck


Peu importe à quel point le monde pousse contre moi, en moi, il y a quelque chose de plus fort - quelque chose de mieux, qui repousse directement. 

Albert Camus


 Samuel Beckett

Fini, c'est fini, ça va finir, ça va peut être finir. (Un temps) Les grains s'ajoutent aux grains, un à un, et un jour, soudain, c'est un tas, un petit tas, l'impossible tas.


Samuel Beckett

Le sujet s'éloigne du verbe... et le complément direct vient se poser quelque part dans le vide.


le but de la science n’est pas une plus grande certitude ; car la plus mince des connaissances particulières est aussi certaine. Son vrai but est de faciliter le savoir, en lui imposant une forme, et par là la possibilité pour le savoir d’être complet. De là l’opinion courante, mais erronée, que le caractère scientifique de la connaissance consiste dans une plus grande certitude ; de là aussi l’opinion, non moins fausse, qui en résulte, que les mathématiques seules et la logique sont des sciences proprement dites, parce que c’est en elles que réside la certitude inébranlable de toute connaissance, par suite de leur complète apriorité. Sans doute on ne peut leur refuser ce dernier privilège ; mais ce n’est pas en cela que consiste le caractère scientifique, lequel n’est pas la certitude, mais une forme systématique de la connaissance, qui est une marche graduelle du général au particulier.

Arthur Schopenhauer 


 On ne peut être vraiment soi qu'aussi longtemps qu'on est seul ; qui n'aime donc pas la solitude n'aime pas la liberté, car on n'est libre qu'étant seul. Toute société a pour compagne inséparable la contrainte et réclame des sacrifices qui coûtent d'autant plus cher que la propre individualité est plus marquante. Par conséquent, chacun fuira, supportera ou chérira la solitude en proportion exacte de la valeur de son propre moi. Car c'est là que le mesquin sent toute sa mesquinerie et le grand esprit toute sa grandeur ; bref, chacun s'y pèse à sa vraie valeur.

Arthur Schopenhauer


Quand un homme tue un tigre on parle de "Jeu de chasse "

Quand un tigre tue un homme on parle de sauvagerie

Arthur Schopenhauer


 on se gâte le cerveau, à lire et à étudier constamment.

Arthur Schopenhauer


Les mots seront pris dans un sens incantatoire, vraiment magique, – pour leur forme, leurs émanations sensibles, et non plus seulement pour leur sens. (…) Ces manifestations plastiques de forces, ces interventions explosives d’une poésie et d’un humour chargés de désorganiser et de pulvériser les apparences, selon le principe anarchique, analogique de toute véritable poésie, ne posséderont leur vraie magie que dans une atmosphère de suggestion hypnotique où l’esprit est atteint par une pression directe sur les sens.

Antonin Artaud


Les meilleures personnes possèdent une sensibilité pour la beauté, le courage de faire face aux risques, la discipline de dire la vérité, la capacité de se sacrifier. Ironie du sort, ces vertus les rendent vulnérables ; ils sont souvent blessés, parfois détruits ».

Ernest Hemingway


Même s'il est tard, il fait nuit,

et tu ne peux pas.

Chante comme si de rien n'était.

Rien n'est.

.

Alejandra Pizarnik


 Je vous ajoute encore un mot, une question plutôt.

Est-ce que l'eau coule aussi dans votre pays ? (je ne me souviens pas si vous me l'avez dit) et elle donne aussi des frissons, si c'est bien elle.

Est-ce que je l'aime ?

Je ne sais.

On se sent si seule dedans, quand elle est froide.

C'est tout autre chose quand elle est chaude.

Alors ?

Comment juger ?

Comment jugez-vous, vous autres, dites-moi, quand vous parlez d'elle sans déguisement, à cœur ouvert ? 

Henri Michaux, Je vous écris d’un pays lointain 


Très peu de gens savent réfléchir, mais tous veulent avoir des opinions.

Arthur Schopenhauer


La solitude offre à l'homme intellectuellement haut placé un double avantage : le premier, d'être avec soi-même, et le second de n'être pas avec les autres.


Il y a des milliers d'hommes qui taillent dans les branches du mal pour un qui s'attaque à la racine.

Henry David Thoreau


Faire du corps une puissance qui ne se réduit pas à l’organisme, faire de la pensée une puissance qui ne se réduit pas à la conscience. 

Gilles Deleuze 

 .

 J'ai pour me guérir du jugement des autres,toute la distance qui me sépare de moi-même. »

Antonin Artaud


J'aime les êtres qui doutent, les fragiles, les en miettes, les sensibles qui tombent et se relèvent ; je laisse les certitudes aux imbéciles, il y en a tant… Tous ceux qui vont de l'avant, torse bombé d'ambitions, dans un monde qui va à reculons.

Jacques Dor



La poèsie est connaissance du monde...et notre imaginaire est tellement appauvri par la lecture littérale du réel.

Jean Rouaud


Les hommes ne savent pas être inutiles. Ils ont des chemins à suivre, des points à atteindre, des besoins à assouvir. Ils ne jouissent pas de leur inaccomplissement, alors que la vie ne se justifie pas autrement que par l'extase due à cet inaccomplissement !

Emile Cioran


Ce dont on te prive, c'est de vents, de pluies, de neiges, de soleils, de montagnes, de fleuves et de forêts : les vraies richesses de l'homme ! Tout a été fait pour toi ; au fond de tes plus obscures veines, tu as été fait pour tout. Quand la mort arrivera, ne t’inquiète pas, c’est la continuation logique. Tâche seulement d’être alors le plus riche possible."

Jean GIONO


La peur collective favorise l'instinct grégaire et la cruauté envers ceux qui n'appartiennent pas au troupeau.

Bertrand Russell


 Les mots que vous prononcez deviennent la maison dans laquelle vous vivez.

Hafiz de Chiraz



Nous savons tous les deux que le monde sommeille par manque d'imprudence 

Jacques Brel


Donner sans témoins 

 Jodorowsky


Tant qu'il n'est question que de détruire, toutes les ambitions s'allient aisément.

Jules Verne


Je hais les indifférents. Pour moi, vivre veut dire prendre parti. Qui vit vraiment ne peut ne pas être citoyen et parti prenant. L'indifférence est apathie, elle est parasitisme, elle est lâcheté, elle n'est pas vie. C'est pourquoi je hais les indifférents.

Antonio Gramsci


L'homme est avant tout un lâche souvent préoccupé de trouver une excuse à sa lâcheté.

Michel Bernanos


La pire maladie des hommes provient de la façon dont ils ont combattu leurs maux.

Friedrich Nietzsche


Il n'est de médecine qui guérisse ce que ne guérit pas le bonheur.

Gabriel Garcia Marquez


Naviguer entre deux balises : l'ironie des limites et la précarité des efforts.

 Avicenne


Tu sais, quand je te dis que je t'aime, il ne s'agit même pas d'amour. 

Je te parle d'impossibilité de respirer autrement.

Romain Gary


L’inconscient des gens qui vivent artificiellement me perçoit comme un danger.

Tout en moi les irrite : ma façon de parler, ma façon de rire;ils sentent la Nature.

Carl Gustav Jung


Il y a des auteurs qui écrivent avec de la lumière, d'autres avec du sang, avec de la lave, avec du feu, avec de la terre, avec de la boue, avec de la poudre de diamant et ceux qui écrivent avec de l'encre. Les malheureux, avec de l'encre simplement..."

Pierre reverdy


Savoir écouter, c'est posséder, outre le sien, le cerveau des autres.

Léonard De Vinci


Le cerveau de l'imbécile n'est pas un cerveau vide, c'est un cerveau encombré où les idées fermentent au lieu de s'assimiler, comme les résidus alimentaires dans un colon envahi par les toxines.

Georges Bernanos


Corona, contaminé, virus et viralité, ne parviendront pas à nous faire passer le goût du pain et du vin. Acceptons d’être « confinés », mais au sens que ce mot eut à la fin du Moyen Âge : « aller jusqu’aux confins ». Or, les confins de la langue française, c’est le monde.

Alain Rey


L'ordre règne dans les gènes pendant que les défenseurs des sciences cognitives s'efforcent de découvrir dans le cerveau l'ordinateur de leurs rêves.

Jean-Didier Vincent


Seul un souvenir palpable subsistait comme les cendres d'une aile de papillon brûlée dans l'incendie d'une forêt.

Albert Camus 


Ne détruis pas tous les ponts, peut-être tu reviendras.

Tu n’es pas un oiseau ni un papillon volant le long de la côte

Quand il n’y a pas de ponts c’est inutile de désirer,

C’est inutile de comprendre, c’est inutile de vouloir. 

Ne détruis pas tous les ponts, peut-être tu reviendras. 

Laisse au moins un pont entre le cœur et moi. 

En solitude, c’est plus facile de comprendre l’incompréhensible,

Les souvenirs pourraient te pousser en arrière… 

Ivo Andrić 


Pour savoir écrire, il faut avoir lu, et pour savoir lire, il faut savoir vivre.

Guy Debord


Le danger est que, par un mensonge, l'âme se persuade qu'elle n'a pas faim.

Simone Weil


La nature fait les choses sans se presser, et pourtant tout est accompli.

Lao-TseuLao-Tseu


Si la nature n'était pas belle, elle ne vaudrait pas la peine d'être connue, la vie ne vaudrait pas la peine d'être vécue. Je ne parle pas ici, bien entendu, de cette beauté qui frappe les sens, de la beauté des qualités et des apparences ; non que j'en fasse fi, loin de là, mais elle n'a rien à faire avec la science ; je veux parler de cette beauté plus intime qui vient de l'ordre harmonieux des parties, et qu'une intelligence pure peut saisir.

Henri Poincaré


Même pour le simple envol d'un papillon le ciel tout entier est nécessaire. Vous ne pouvez comprendre une pâquerette dans l'herbe, si vous ne comprenez pas le soleil parmi les étoiles.

Paul Claudel


Ce qui empêche l'homme d'accéder au bonheur ne relève pas de sa nature, mais des artifices de la civilisation.

Claude Lévi-Strauss 


Cette année là,ils m'ont privé du printemps,et de bien d'autres choses,mais j'étais fleuri quand même.J'avais apporté le printemps de l'intéieur et personne ne pouvait plus me le voler.

CArl Gustav Jung



Enseigner,ce n'est pas remplir un vase,c'est allumer un feu...

Aristophane


Ce qui définit la majorité c’est un modèle auquel il faut être conforme. Tandis qu’une minorité n’a pas de modèles, c’est un devenir, un processus. Lorsqu’une minorité crée des modèles, c’est qu’elle veut être majoritaire ou qu’elle est contrainte de se doter d’un « modèle » nécessaire à sa survie (« avoir un statut »).

Gilles Deleuze


Les gens n'ont de charme que par leur folie. Voilà ce qui est difficile à comprendre. Le vrai charme des gens c'est le côté où ils perdent un peu les pédales, c'est le côté où ils ne savent plus très bien où ils en sont. Ça ne veut pas dire qu'ils s'écroulent au contraire, ce sont des gens qui ne s'écroulent pas. Mais, si tu ne saisis pas la petite racine ou le petit grain de folie chez quelqu'un, tu peux pas l'aimer. On est tous un peu déments, et j'ai peur, ou je suis bien content, que le point de démence de quelqu'un ce soit la source même de son charme.

Gilles Deleuze


C’est pourquoi, aujourd’hui, me font dégueuler ces petits singes bourgeois qui s’écouillent un peu partout à la recherche du succès, comme un clébard à la recherche de son os. On écrit pour crever, camarades ! – ou on se trouve un emploi à la banque du coin, une pouffiasse à gros nichons à qui on fait une portée de petits lapins, et on s’engraisse de boustifaille, la poitrine constellée de médailles distribuées par la grande tribu des ratés pour se faire illusion et se donner bonne conscience. Enfilez vos charentaises et roupillez tranquilles, bouffis de la braderie littéraire, avaleurs de prix, putains de télévision, académiciens chiottant sous la Coupole. Dormez bien, faites de beaux rêves – vous n’êtes que des momies, il y a beau temps que la vie s’est enfuie de vos tripes froides. Salutas !

Louis Calaferte


L'hémophilie politique de gens qui se pensent émancipés. Combien sont épris de l'humanité et non de l'homme ! Pour élever la première ils abaissent le second.

René Char


Quand sera brisé l'infini servage de la femme, quand elle vivra pour elle et par elle, elle sera poète, elle aussi !

Arthur Rimbaud


Le paradoxe, toujours le même, c'est que la souveraineté est incompatible avec l'universalité alors même qu'elle est toujours appelée par tout concept de droit international, donc universel ou universalisable, et donc démocratique. Il n'y a pas de souveraineté sans force, sans la force du plus fort dont la raison - la raison du plus fort - est d'avoir raison de tout.

Jacques Derrida


L'abus de pouvoir est constitutif de la souveraineté même.

Jacques Derrida


Tandis qu’à leurs oeuvres perverses, Les hommes courent haletants, Mars qui rit malgré les averses, Prépare en secret le printemps.

Théophile Gautier


L'homme est à la recherche d'un nouveau langage auquel la grammaire d'aucune langue n'aura rien à dire.

Guillaume Apollinaire


Celui qui ne bouge pas ne sent pas ses chaînes.

Rosa Luxembourg


Être libre, ce n’est pas seulement ne rien posséder, c’est n’être possédé par rien.

Julien Green


Le domaine de la liberté commence là où s’arrête le travail déterminé par la nécessité.

Karl Marx


Les lois et les censures compromettent la liberté de pensée bien moins que ne le fait la peur.

André Gide


C'est la personne humaine, libre, créatrice et sensible qui façonne le beau et le sublime, alors que les masses restent entraînées dans une ronde infernale d'imbécilité et d'abrutissement.

Albert EinsteinAlbert Einstein


Et que l’on estime perdue toute journée où l’on aura pas dansé au moins une fois

 Friedrich Nietzsche


la liberté,c'est le droit de pouvoir dire aux gens ce qu'ils n'ont pas envie d'entendre

Georges ORWELL


Les fous, les marginaux, les rebelles, les anticonformistes, les dissidents...tous ceux qui voient les choses différemment, qui ne respectent pas les règles. Vous pouvez les admirer ou les désapprouver, les glorifier ou les dénigrer. Mais vous ne pouvez pas les ignorer. Car ils changent les choses. Ils inventent, ils imaginent, ils explorent. Ils créent, ils inspirent. Ils font avancer l'humanité. Là où certains ne voient que folie, nous voyons du génie. Car seuls ceux qui sont assez fous pour penser qu'ils peuvent changer le monde y parviennent.

Jack Kerouac 



J'aime la simplicité qui s’accompagne avec l'humilité.

J'aime les gens qui savent sentir le vent sur leurs propres peaux, sentir les arômes des choses, en capturer l’âme.

Ceux qui ont la chair en contact avec la chair du monde.

Car là il y a la vérité, là il y a la douceur, là il y a la sensibilité, là il y a encore l'amour.

Alda Merini ...


Il doit bien exister au monde quelque chose, un lieu qui ne soit pas un rapport de force avec autrui ou soi-même. La tendresse, peut-être.

Gérard Philipe


Il est plus facile de professer en paroles un humanisme de bon aloi, que de rendre service à son voisin de palier.

Henri Laborit


Beaucoup d'entre nous mourront ainsi sans jamais être nés à leur humanité, ayant confiné leurs systèmes associatifs à l'innovation marchande, en couvrant de mots la nudité simpliste de leur inconscient dominateur.

Henri Laborit


Le seul fait de se sentir seul dans ce cosmos angoissant devrait pousser les hommes à se serrer les uns contre les autres, à considérer tout homme comme un ami... Mais il est plus facile de professer en paroles un humanisme de bon aloi, que de rendre service à son voisin de palier.

Henri Laborit


C'est avec la logique que nous prouvons et avec l'intuition que nous trouvons.

Henri Poincaré


La logique, qui peut seule donner la certitude, est l'instrument de la démonstration: l'intuition est l'instrument de l'invention.

Henri Poincaré


Dès la naissance l'individu se trouve pris dans un cadre socioculturel dont le but essentiel est de lui créer des automatismes d'actions et de pensée indispensables au maintien de la structure hiérarchique de la société à laquelle il appartient.

Henri Laborit


Nous ne vivons que pour maintenir notre structure biologique, nous sommes programmés depuis l'oeuf fécondé pour cette seule fin, et toute structure vivante n'a pas d'autre raison d'être, que d'être.

Henri Laborit


Les marchands n'ont pas été chassés du temple, ils sont en train de l'envahir complètement et d'installer leurs boutiques et leurs panneaux publicitaires au plus profond de nos neurones si nous n'y prenons garde.

Henri Laborit


Il y a eu plus de crimes perpétrés au nom de l'amour qu'au nom de la haine, qui a pourtant plus mauvaise presse.

Henri Laborit


Mais en vertu de quel principe biologique fondamental, le plus grand nombre serait-il préservé de l'erreur?

Henri Laborit


L'Homme est un être de désir. Le travail ne peut qu'assouvir des besoins. Rares sont les privilégiés qui réussissent à satisfaire les seconds en répondant au premier. Ceux-là ne travaillent jamais.

Henri Laborit


Comment ne pas devenir un loup des steppes et un ermite sans manières dans un monde dont je ne partage aucune des aspirations, dont je ne comprends aucun des enthousiasmes? je ne puis tenir longtemps dans un théâtre ou dans un cinéma; je lis à peine le journal et rarement un livre contemporain; je suis incapable de comprendre quels plaisirs et quelles joies les hommes recherchent dans les trains et les hôtels bondés, dans les cafés combles où résonne une musique oppressante et tapageuse, dans les bars et les musics-hall des villes déployant un luxe élégant, dans les expositions universelles, dans les grandes avenues, dans les conférences destinées aux assoiffés de culture, dans les grands stades.

La solitude est synonyme d'indépendance ; je l'avais souhaitée et atteinte au bout de longues années. Elle était glaciale, oh oui, mais elle était également paisible, merveilleusement paisible et immense, comme l'espace froid et paisible dans lequel gravitent les astres.

Hermann HESSE, Le loup des steppes,1927


Les animaux supérieurs ne sont jamais atteints de cette maladie qu'on appelle le sens moral.

Mark TwainMark Twain



L'art et la culture ne peuvent faire l'objet d'un programme - l'art ne se conserve pas. Il n'y a pas d'art dans un musée - l'art n'obéit pas à une règle traditionnelle. Il ne consiste pas dans l'admiration des chefs-d'oeuvre anciens. L'art et la culture se font au jour le jour. Et chaque civilisation a les arts et la culture qu'elle mérite. Nous aurons le signe d'une vraie révolution faite lorsque nous verrons un art nouveau se dégager de lui-même et sans théories. (p. 79)

Jacques Ellul et Bernard Charbonneau


Certains regards seulement passent par les yeux,

d’autres ne passent à travers rien.

La terre, par exemple, regarde.

Il y a parfois un puits,

parfois un trouble dans le vent,

parfois une ligne au fil de l’eau.

Mais parfois il n’y a rien,

hors le regard pur de la terre,

le regard où nous palpitons

 Roberto Juarroz


L’erreur fondamentale qu’il faut tout d’abord dénoncer, c’est la soi-disant neutralité de la technique. Rien de ce qui est sur terre n’est neutre, toute chose obéit à sa nature, toute cause entraîne des effets à la mesure de sa taille ; tout gain se paye, et c’est à la réflexion critique de peser des coûts d’autant plus élevés qu’on se sera refusé à les considérer. 

Bernard Charbonneau


Être seul comme on était seul, enfant, lorsque les adultes allaient et venaient, pris dans des affaires qui semblaient importantes et considérables, puisque les grandes personnes avaient l'air très occupées et parce qu'on ne comprenait rien à leurs gestes.

Lorsqu'on s'aperçoit un beau jour que leurs occupations sont piètres, leur métier figé et qu'ils n'ont plus de lien avec la vie, pourquoi ne pas continuer, tel un enfant, à porter là-dessus le même regard que sur ce qui est étranger.

Rainer Maria Rilke

Lettres à un jeune poète


La Révolution ne se fera pas contre des hommes mais contre des institutions. Tant pis pour la police qui garde les banques.

La Révolution ne se fera pas contre le grand patron mais contre la grande usine.

La Révolution ne se fera pas contre les bourgeois mais contre la grande ville.

La Révolution ne se fera pas contre le fascisme ou le communisme mais contre l'Etat totalitaire, quel qu'il soit.

La Révolution ne se fera pas contre M. Guimier mais contre l'agence Havas. La Révolution ne se fera pas contre les 200 familles mais contre le profit.

La Révolution ne se fera pas contre les marchands de canons mais contre les armements. La Révolution ne se fera pas contre l'étranger mais contre la nation.

La Révolution n'est pas une lutte des classes, elle est une lutte pour la liberté de l'homme.

Si nous repoussons toujours le premier terme, c'est qu'il permet toutes les hypocrisies, et convient aussi bien à une révolution fasciste que communiste - le second terme ne permet pas de compromission.

Bernard Charbonneau


L'art et la culture ne peuvent faire l'objet d'un programme - l'art ne se conserve pas. Il n'y a pas d'art dans un musée - l'art n'obéit pas à une règle traditionnelle. Il ne consiste pas dans l'admiration des chefs-d'oeuvre anciens. L'art et la culture se font au jour le jour. Et chaque civilisation a les arts et la culture qu'elle mérite. Nous aurons le signe d'une vraie révolution faite lorsque nous verrons un art nouveau se dégager de lui-même et sans théories. (p. 79)

Jacques Ellul et Bernard Charbonneau


Dans un paysage campagnard on ne saurait distinguer ces deux éléments qu’on oppose dans ce faux dilemme : la nature ou l’homme. La campagne c’est la nature ; le mur , la tour, le clocher, le toit c’est l’homme. Car à la campagne l’édifice est toujours situé en un lieu auquel il emprunte ses éléments, et l’on ne saurait distinguer le pont de la rivière qu’il enjambe. La campagne et son paysage est le fruit d’un équilibre entre la nature et l’homme, établi au cours des millénaires.

Bernard Charbonneau


La vanité est pour les imbéciles une puissante source de satisfaction. Elle leur permet de substituer aux qualités qu'ils n'acquerront jamais la conviction de les avoir toujours possédées.

Gustave Le Bon


Les volontés faibles se traduisent par des discours, les volontés fortes par des actes.

Gustave Le Bon


Le véritable progrès démocratique n'est pas d'abaisser l'élite au niveau de la foule, mais d'élever la foule vers l'élite.

Gustave Le Bon


Les gens vertueux se vengent souvent des contraintes qu'ils s'imposent par l'ennui qu'ils inspirent.

Gustave Le Bon


Un égoïsme sans bornes se développe partout. L'individu finit par n'avoir plus d'autre préoccupation que lui-même. Les consciences capitulent, la moralité générale s'abaisse et graduellement s'éteint. L'homme perd tout empire sur lui-même. Il ne sait plus se dominer ; et qui ne sait se dominer est condamné bientôt à être dominé par d'autres.

Gustave Le Bon ,Les Lois psychologiques de l'évolution des peuples -


Les révolutions n'ont généralement pour résultat immédiat qu'un déplacement de servitude.

Gustave Le Bon


En détruisant les plantes, en déboisant les forêts, nous réduisons fatalement la quantité de vie dont pourront disposer les animaux peuplant la surface du globe.

Gustave Le Bon


La culture n'est pas à l'abri du flux tendu qui caractérise de plus en plus toutes les manifestations des sociétés industrielles. Un livre chasse l'autre et le fait oublier. La preuve est faite que les livres brûlent mal, que l'encre se recouvre mieux qu'elle ne s'efface et que, si la pensée résiste aux flammes, elle est soluble dans le tout culturel.

Armand Farrachi, Petit lexique d'optimisme officiel.


Je frémis en songeant à tous ceux qui se réclameront de mon autorité

Friedrich Nietzsche


La croyance que rien ne change provient soit d'une mauvaise vue, soit d'une mauvaise foi. La première se corrige, la seconde se combat.

Friedrich Nietzsche


Il faut savoir se perdre pour un temps si l'on veut apprendre quelque chose des êtres que nous ne sommes pas nous-mêmes.

Friedrich Nietzsche


Si nous nous trouvons tellement à l'aise dans la pleine nature, c'est qu'elle n'a pas d'opinion sur nous.

Friedrich Nietzsche


Le génie réside dans l'instinct.

Friedrich Nietzsche


La charité, c'est donner quelques sous au mendiant pour qu'il survive juste assez pour revenir le lendemain mendier à nouveau.

Friedrich Nietzsche


Les convictions sont des prisons.

Friedrich Nietzsche



Ce qui se paie n'a guère de valeur ; voilà la croyance que je cracherai au visage des esprits mercantiles.

Friedrich Nietzsche


Seules les pensées que l'on a en marchant valent quelque chose.

Friedrich Nietzsche


La civilisation n'est qu'une mince pellicule au-dessus d'un chaos brûlant.

Friedrich Nietzsche


Il est vrai que je suis une forêt pleine de ténèbres et de grands arbres sombres ; mais qui ne craint pas mes ténèbres trouvera sous mes cyprès des sentiers fleuris de roses.

Friedrich Nietzsche ,


Et ceux qui dansaient furent considérés comme fous par ceux qui ne pouvaient entendre la musique.

Friedrich Nietzsche


 La nouvelle aris­to­cra­tie était consti­tuée, pour la plus grande part, de bureau­crates, de savants, de tech­ni­ciens, d’or­ga­ni­sa­teurs de syndi­cats, d’ex­perts en publi­cité, de socio­logues, de profes­seurs, de jour­na­listes et de poli­ti­ciens profes­sion­nels. Ces gens, qui sortaient de la classe moyenne sala­riée et des rangs supé­rieurs de la classe ouvrière, avaient été formés et réunis par le monde stérile du mono­pole indus­triel et du gouver­ne­ment centra­lisé. Compa­rés aux groupes d’op­po­si­tion des âges passés, ils étaient moins avares, moins tentés par le luxe ; plus avides de puis­sance pure et, surtout, plus conscients de ce qu’ils faisaient, et plus réso­lus à écra­ser l’op­po­si­tion. 

 George Orwell


Je considére tout travail d'éducation néfaste,qui tient compte uniquement de ce qu'il ajoute,sans soucis de ce quu'il mutile!...albert Brie le mot du silencieux

Federico Garcia Lorca


Au filet de la lune,

araignée du ciel,

se prennent les étoiles

qui voltigent.

Federico Garcia Lorca


Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes du genre de celles d’Hitler sont dépassées. Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes.

L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées. Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif.

Surtout pas de philosophie. Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser. On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux.

En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté. Le conditionnement produira ainsi de lui-même une telle intégration, que la seule peur – qu’il faudra entretenir – sera celle d’être exclus du système et donc de ne plus pouvoir accéder aux conditions nécessaires au bonheur.

L’homme de masse, ainsi produit, doit être traité comme ce qu’il est : un veau, et il doit être surveillé comme doit l’être un troupeau. Tout ce qui permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu. Toute doctrine mettant en cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste et ceux qui la soutiennent devront ensuite être traités comme tels. »

Günther Anders, L’Obsolescence de l’homme


Tout est énergie,et c'est là tout ce qu'il y a à comprendre dans la vie...aligne-toi à la fréquence de la réalité que tu souhaites et cette réalité se manifestera.IL ne peut en être autrement.Ce n'est pas de la philosophie.C'est de la physique.

Albert Einstein


Je veux pleurer parce que ça me plait,

comme pleurent les enfants du dernier banc,

car je ne suis pas un poète, ni un homme, ni une feuille,

mais un pouls blessé qui tourne autour des choses de l'autre côté.

Federico Garcia Lorca



La politesse, c'est l'indifférence organisée.

Paul Valéry


L'histoire est le produit le plus dangereux que la chimie de l'intellect ait élaboré.

Paul Valéry


Le grand triomphe de l'adversaire est de vous faire croire ce qu'il dit de vous.

Paul Valéry


La tradition et le progrès sont deux grands ennemis du genre humain.

Paul Valéry


Un homme compétent est un homme qui se trompe selon les règles.

Paul Valéry

 La nature a fait l’homme heureux et bon mais la société le déprave et le rend misérable 

Jean-Jacques Rousseau


VOUS DITES :

C'est fatiguant de fréquenter les enfants.

Vous avez raison.

Vous ajoutez :

Parce qu'il faut se baisser, s'incliner,

Se courber,

Se faire tout petit.

Là, vous avez tort,

Ce n'est pas cela qui fatigue le plus,

C'est le fait d'être obligé de s'élever,

De se mettre sur la pointe des pieds

Jusqu'à la hauteur de leurs sentiments,

Pour ne pas les blesser.

Janusz Korczak



Ceux qui peuvent vous faire croire à des absurdités peuvent vous faire commettre des atrocités .

Voltaire


Donner aux enfants la possibilité d’un épanouissement harmonieux de toutes leurs facultés spirituelles ; dégager la totalité des forces latentes qu’elles contiennent ; les élever dans l’amour du bien, du beau, de la liberté… Essaie donc, homme naïf ! La société t’a confié un petit sauvage afin que tu le dégrossisses, lui inculques de bonnes manières, le rendes plus maniable… et elle attend. Attendent ainsi l’Etat, l’Eglise, le futur patron. L’Etat exigera de lui le patriotisme ; l’Eglise, la foi ; le patron, la probité ; et tous trois, de la médiocrité et de l’humilité. Trop fort, il sera brisé ; trop doux, maltraité ; rusé, il pourra être acheté ; pauvre, son chemin sera barré de tous côtés. Par qui ? Personne et tout le monde. La vie.

Janusz Korczak


Le poète doit pouvoir tout dire, en toute liberté. Essayez donc un peu, mes amis, vous verrez que vous n'êtes pas libres.

Robert Desnos


La poésie est un cadeau de la nature, une grâce, pas un travail. La seule ambition de faire un poème suffit à le tuer.

Henri Michaux


J'écris pour me parcourir.

Henri Michaux


On n’est peut-être pas fait pour un seul moi.

Henri Michaux


Ne désespérez jamais, faites infuser.

Henri Michaux


Vous ne possédez rien, en dehors des quelques centimètres cubes de votre crâne.

George Orwell


On ne devrait lire que les livres qui nous piquent et nous mordent. Si le livre que nous lisons ne nous réveille pas d'un coup de poing sur le crâne, à quoi bon le lire ?

Franz Kafka


Beaucoup d'insensibilité prend parfois figure de courage.

Pierre Reverdy


Le poète est poussé à créer par le besoin constant et obsédant de sonder le mystère de son être intérieur, de connaître son pouvoir et sa force.

Il n’est que les gens de métier qui se satisfassent de quelque certitude sur leurs facultés.

Mais en poésie les gens de métier sont les médiocres.

Pierre Reverdy


Si notre civilisation devait dessoûler deux jours de suite, le troisième elle crèverait de remords.

Malcolm Lowry


Au cœur de la puissance sauvage du paysage naguère champ de bataille, quelque chose semblait crier vers lui, présence née de la force dont il reconnaissait le cri familier dans tout son être, qu’il recueillait et renvoyait au vent, mot de passe de courage et de fierté entendu dans l’enfance – affirmation passionnée et cependant presque toujours hypocrite de l’âme individuelle, n’est-ce pas, du désir d’être, de faire le juste et le bien. Car voici qu’il regardait à présent plus loin que l’étendue des plaines, plus loin que les volcans, jusqu’à ce vaste océan aux houles bleues, éprouvant en son cœur la sempiternelle impatience sans limites, l’incommensurable faim.

Malcolm Lowry


Cette ruine à présent où la lune marche seule

Éclairant l’araignée en sa toile et la rose

J’y fus auparavant, j’aimai chaque pierre sombre ;

S’il y en eut aucune, des ombres je fus l’une.


L’oreille comme à une conque, ce jour-là, je perçus

Dans l’invisible tout massivement délettré,

Un mot unique et vrai mais non d’éternité,

Arraché aux étranges mutations de l’âme ;


Cette ruine, soit masure soit palais, apaisera

À la fin ce qui fut dévasté ; conduis-y

Le futur famélique et le passé sanglant


Dans sa nuit. Seule la lune fera assaut des marches

À l’escalier en ruine vers ce qui eût pu être

pour, un temps, s’y asseoir, pauvre reine aveuglée.

Malcolm Lowry


Tes yeux ne me voient que lorsqu'ils me transforment.

Alejandro Jodorowsky


Notre plus grande erreur fut de n'avoir pas planté le pieu au cœur du vampire : la finance.

Louise Michel


Hirondelle qui vient de la nue orageuse

Hirondelle fidèle, où vas-tu ? dis-le moi.

Quelle brise t'emporte, errante voyageuse?

Écoute, je voudrais m'en aller avec toi,


Bien loin, bien loin d'ici, vers d'immenses rivages ,

Vers de grands rochers nus, des grèves, des déserts,

Dans l'inconnu muet, ou bien vers d'autres âges,

Vers les astres errants qui roulent dans les airs.


Ah! laisse-moi pleurer, pleurer quand de tes ailes

Tu rases l'herbe verte et qu'aux profonds concerts

Des forêts et des vents tu réponds des tourelles ,

Avec ta rauque voix, mon doux oiseau des mers.


Hirondelle aux yeux noirs, hirondelle, je t'aime!

Je ne sais quel écho par toi m'est apporté

Des rivages lointains: pour vivre, loi suprême,

Il me faut, comme à toi, l'air et la liberté.

Louise Michel


Au fond de ma révolte contre les forts, je trouve du plus loin qu’il me souvienne l’horreur des tortures infligées aux bêtes…On m’a souvent accusée de plus de sollicitude pour les bêtes que pour les gens : pourquoi s’attendrir sur les brutes quand les êtres raisonnables sont malheureux ? C’est que tout va ensemble, depuis l’oiseau dont on écrase la couvée jusqu’aux nids humains décimés par la guerre. La bête crève de faim dans son trou, l’homme en meurt au loin des bornes.

Louise Michel


Sans l'autorité d'un seul, il y aurait la lumière, il y aurait la vérité, il y aurait la justice. L'autorité d'un seul, c'est un crime. Ce que nous voulons, c'est l'autorité de tous.

Louise Michel


Votre vote c’est la prière aux dieux sourds de toutes les mythologies, quelque chose comme le mugissement du boeuf flairant l’abattoir, il faudrait être bien niais pour y compter encore, de même qu’il ne faudrait pas être dégoûté pour garder les illusions sur le pouvoir ; en le voyant à l’oeuvre il se dévoile, tant mieux. 

Louise Michel


L'anarchie c'est l'ordre par l'harmonie.

Louise Michel


Peut-être que les femmes aiment les révoltes. Nous ne valons pas mieux que les hommes mais le pouvoir ne nous a pas encore corrompues.

Louise Michel


Il faut cesser de toujours décrire les effets de pouvoir en termes négatifs : il "exclut", il "réprime", il "refoule", il "censure", il "abstrait", il "masque", il "cache". En fait, le pouvoir produit ; il produit du réel ; il produit des domaines d'objets et des rituels de vérité. L'individu et la connaissance qu'on peut en prendre relèvent de cette production.

Michel Foucault


"J’ai vu, de mes yeux, le fascisme. Je sais aujourd’hui ce qu’il est. Et je songe qu’il nous faut faire, avant qu’il soit trop tard, notre examen de conscience. Depuis dix ans, nous n’avons pas prêté au phénomène une attention suffisante. César de Carnaval, blaguait Paul-Boncour. Non, le fascisme n’est pas une mascarade. Le fascisme est un système, une idéologie, une issue. Il ne résout certes rien, mais il dure. Il est la réponse de la bourgeoisie à la carence ouvrière, une tentative pour sortir du chaos, pour réaliser, sans trop compromettre les privilèges de la bourgeoisie, un nouvel aménagement de l’économie, un ersatz de socialisme.

Daniel Guérin


L'homme ne vit pas seulement de pain. Moi, si j'avais faim et que j'étais sans défense dans la rue, je ne demanderais pas un pain; je demanderais un demi pain et un livre. J'attaque d'ici ceux qui ne parlent que de revendications économiques sans jamais nommer les revendications culturelles, ce que les peuples demandent à crier. C'est bien que tous les hommes mangent, mais que tous les hommes sachent. Qu'ils bénéficient de tous les fruits de l'esprit humain car le contraire est d'en faire des machines au service de l'État... 

Frédéric Garcia Lorca


Car lorsque les yeux parlent, ils tutoient, lors même que les lèvres n'ont pas encore prononcé un "vous".

Thomas Mann


De la solitude naît l’originalité, la beauté en ce qu’elle a d’osé, et d’étrange, le poème. Et de la solitude aussi, les choses fausses, désordonnées, absurdes, coupables.

Thomas Mann


Etre jeune, c'est être spontané, rester proche des sources de la vie, pouvoir se dresser et secouer les chaînes d'une civilisation périmée, oser ce que d'autres n'ont pas eu le courage d'entreprendre ; en somme, se replonger dans l'élémentaire.

Thomas Mann


Tout homme est prodigieux ; avec du coeur et de l'esprit, toute vie d'homme peut se montrer intéressante et aimable, même la plus pauvre.

Thomas Mann


La valeur des choses n'est pas dans la durée, mais dans l'intensité où elles arrivent.C'est pour cela qu'il existe des moments inoubliables, des choses inexplicables et des personnes incomparables.

Fernando Pessoa


La liberté, c'est la possibilité de s'isoler. Tu es libre si tu peux t'éloigner des hommes sans que t'obliges à les rechercher le besoin d'argent, ou l'instinct grégaire, l'amour, la gloire ou la curiosité, toutes choses qui ne peuvent trouver d'aliment dans la solitude ou le silence. S'il t'est impossible de vivre seul, c'est que tu es né esclave. Tu peux bien posséder toutes les grandeurs de l'âme ou de l'esprit : tu es un esclave noble, ou un valet intelligent, mais tu n'es pas libre.

Fernando Pessoa


De même que nous lavons notre corps, nous devrions laver notre destin, changer de vie comme nous changeons de linge.

Fernando Pessoa


Passer des fantômes de la foi aux spectres de la raison, c'est pas plus que de changer de cellule.

Fernando Pessoa


Renoncer, c'est nous libérer. Ne rien vouloir, c'est pouvoir.

Fernando Pessoa


Je préfère la défaite, qui reconnaît la beauté des fleurs, à la victoire au milieu du désert, emplie de cécité de l'âme, seule avec sa nullité séparée de tout.

Fernando Pessoa


Seul sait vaincre celui qui ne gagne jamais.

Fernando Pessoa



Révèle ton secret au vent, mais ne lui reproche pas de le répéter aux arbres.

Khalil Gibran


L'amitié est toujours une douce responsabilité, jamais une opportunité.

Khalil Gibran


Celui qui porte sa moralité comme son plus beau vêtement ferait mieux d’aller nu.

Khalil Gibran


Tous peuvent entendre mais seuls les être sensibles comprennent

Khalil Gibran


Ils me disent dans leur éveil : "Toi et le monde dans lequel tu vis n'êtes qu'un grain de sable sur le rivage infini d'une mer infinie."

Et dans mon rêve je leur réponds : "Je suis la mer infinie, et tous les mondes ne sont que des grains de sable sur mon rivage."

Khalil Gibran


Qu'est-ce donc que mourir, si ce n'est s'offrir nu au vent et s'évaporer au soleil?

Quand vous aurez bu à la rivière du silence, alors seulement vous pourrez véritablement chanter.

Et lorsque vous aurez atteint le sommet de la montagne, vous commencerez à monter.

Et dès lors que la terre aura réclamé votre corps, vous saurez enfin danser.

Khalil Gibran


Si tu éprouves le désir d'écrire, et nul autre que l'Esprit n'en détient le secret, tu dois maîtriser connaissance, art et magie :

la connaissance des mots et leur mélodie,

l'art d'être sans fard,

et la magie d'aimer ceux qui te liront.

Khalil Gibran


Je marche éternellement sur ces rivages,

Entre le sable et l'écume.

Le flux de la marée effacera l'empreinte de mes pas,

Et le vent emportera l'écume.

Mais la mer et le rivage demeureront

Eternellement.

Khalil Gibran


Ouvre l’œil et regarde, tu verras ton visage dans tous les visages. Tends l’oreille et écoute, tu entendras ta propre voix dans toutes les voix.

Khalil Gibran


Comment puis-je perdre foi en la justice de la vie, quand les rêvent de ceux qui dorment sur du duvet ne sont pas plus beaux que les rêves de ceux qui dorment à même le sol?

Khalil Gibran


Restez l'un avec l'autre, mais pas trop près l'un de l'autre :

Car les piliers du temple sont éloignés entre eux,

Et le chêne et le cyprès ne poussent pas dans l'ombre l'un de l'autre.

Khalil Gibran


Car quel ami serait-ce si vous le recherchiez pour quelques heures à tuer ? Recherchez-le toujours pour quelques heures à vivre. Car son rôle est de combler votre besoin, et non votre vide.

Khalil Gibran


En vous refusant le plaisir, vous ne faites souvent qu'entreposer le désir dans les replis de votre être.

Khalil Gibran


Nous les errants, toujours en quête de la route la plus solitaire, ne commençons jamais le jour là où s'est terminé un autre jour ; et le soleil levant ne nous trouve jamais là où le soleil couchant nous a laissés.

Même quand la terre est assoupie, nous voyageons. Nous sommes les graines d'une plante persistante, et c'est dans la maturité et la plénitude du cœur que nous sommes livrés au vent et dispersés.

Khalil Gibran


Et dans beaucoup de vos discours, la pensée est à moitié assassinée.

Car la pensée est un oiseau de l'espace qui, dans la cage des mots, peut déployer ses ailes mais ne peut pas voler.

Khalil Gibran


J'ai bon espoir pour le théâtre s'il refuse à la fois la facilité et l'imposture intellectuelles, s'il ne se constitue pas en entreprise spécialisée, installant ses derricks autour de gisements de textes fondamentaux, éternellement sujets à la glose, s'il ne prend pas le public pour un écolier, un otage ou pire encore un touriste en créant un mouvement soi-disant culturel et artistique qui tient plus de la mode que de la véritable recherche, avec juste ce qu'il faut de scandaleux et de folklorique pour émoustiller la foule et que le public vient visiter comme une curiosité qu'il faut avoir vue pour être dans le coup, s'il continue de refléter nos rêves, nos aspirations, nos illusions, nos combats, nos échecs, nos angoisses et aussi nos mensonges et nos erreurs, et tout ça... pour la joie, pour la peine, pour unir nos solitudes, et aussi, pourquoi pas, pour rire !

Laurent Terzieff


A présent chacun aspire à séparer sa personnalité des autres, chacun veut goûter lui-même la plénitude de la vie ; cependant, loin d’atteindre le but, tous les efforts humains n’aboutissent qu’à un suicide total, car, au lieu d’affirmer pleinement leur personnalité, ils tombent dans une solitude complète. En effet, en ce siècle, tous sont fractionnés en unités. Chacun s’isole dans son trou, s’écarte des autres, se cache, lui et son bien, s’éloigne de ses semblables et les éloigne de lui. Il amasse de la richesse tout seul, se félicite de sa puissance, de son opulence ; il ignore, l’insensé, que plus il amasse plus il s’enlise dans une impuissance fatale.

Dostoievski


La poèsie ce n'est pas un supplément d'âme ou quelquechose pour faire joli, la poèsie fait parole de ce qui ne l'était pas et le devient, de ce qui sans elle ne saurait être dit. Elle nous relie à tous et à tout, elle nous réconcilie avec toutes choses, y compris nos rêves du jour et de la nuit.


Puissiez-vous laissez plus de votre peau et moins de vos habits aller à la rencontre du soleil et du vent.

Car le souffle de la vie est dans la lumière du soleil et la main de la vie est dans le vent.

Khalil Gibran


Et comment punirez-vous ceux dont le remord est déjà plus grand que leurs méfaits ? Le remord, n’est-ce pas justice rendue par cette lois même que vous désirez servir ? Mais vous ne pouvez ni imposer le remord à l’innocent ni l’abolir du cœur du coupable. Sans y avoir été invité, il viendra dans la nuit pour que les hommes se réveillent et se contemplent. Et vous qui voulez rendre la justice, comment le pourrez-vous à moins d’examiner chaque action en pleine lumière ? Alors seulement vous comprendrez que celui qui est debout et celui qui est tombé ne sont qu’un seul homme qui se tient dans la pénombre entre le jour de son moi pygmée et la nuit de son Moi divin, et que la pierre angulaire du temple n’est pas supérieure à la pierre la plus basse de ses fondations.

Khalil Gibran


Ils me prennent pour un fou.

parce que je ne vendrai pas

mes jours pour de l'or..

Je les considère fous

parce qu'ils pensent que

mes jours ont un prix

Khalil Gibran


Khalil Gibran

Vous donnez bien peu lorsque vous donnez de vos biens. C'est lorsque vous donnez de vous-même que vous donnez vraiment.


Khalil Gibran

Dans chaque cœur d'hiver, il y a un printemps frémissant, et derrière le voile de chaque nuit, il y a une aube chatoyante.


Khalil Gibran

Et il y a ceux qui ont peu , mais qui donnent tout .


































































































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