On tue encore, à petit feu, les petits métiers de l'humanité, sans que ceux qui peuvent en parler plus haut, plus fort et plus souvent que les autres ne s'en émeuvent ! ... Une mort administrative, sociale et financière, sournoisement orchestrée par la grande machine anonyme qu'est le capitalisme, qui ménera les petits bouquinistes indépendants droit aux assistances sociales et son dieu RSA ... et bien entendu, les diseux de balivernes et leurs cortèges de paperassiers leur en imposeront, afin qu'ils n'en touchent pas quelques picaillons publics sans rien foutre, de donner leur temps pour ... la grande mécanique des nouvelles bouquineries jaillies d'on ne sait où, et autres écornifleurs qui, eux, toucheront les aubaines publiques avec les ovations dues aux âmes salvatrices! ... Ben voyons !
L'industrie corrompt le rapport au temps, et tout autant les valeurs de ce qui ne demande qu'à vivre et à nourrir le monde des diversités et des enchantements, en nous imposant un rythme qui n'est pas celui de notre être, tant dans sa biologie que dans sa psychologie. Sans cesse, elle nous accule, insidieusement, dans les nasses d'une survie et d'une culture marchandisée qui ne saurait être autre chose qu'un totalitarisme, tant elle ne laisse aucune respiration à ce qui ne lui est pas subordonné. Peu à peu, pour n'en pas éveiller les lucidités endormies, en tapissant tout de son système économique, elle a dépossédé, par ses collusions avec les pouvoirs politiques et médiatiques, ouvriers et paysans de leur outil de travail afin de leur en imposer ses cadences infernales.
Les conquêtes s'en suivent toujours d'assises: Il faut que soit bien marquée l'empreinte de son régne sur le territoire, afin de ne pas en laisser trace de ce qui fut, ou pourrait être. On couvre l'encre des essences avec l'encre des futilités et autres niaiseries, et ainsi s'en garde-t-on de tout soupçon de censure en y instiguant les proliférations de nébuleuses, au compte gouttes, comme un poison lent qui ne laisserait de trace franche sur les corps. La langue aussi est celle des nébuleuses, et ne s'en accomode d'aucune autre ... la philosophie est celle de l'étouffoir.
Dans ses fonds de loge, sur les quais ou places communes, le bouquinier s'en bat bien les mires de ces foutaises, trimbalant mémoires et alchimies des temps. Les mots ne s'en comptent pas et s'en fécondent à plus d'encres. Il s'y fleure les printemps des autres bouts du monde, les humes des terres et d'aïeux, des charnellements d'ailes, des petits pas de faunes ... Les vents patinent les aveux, Il s'y chuchote tant, on y comment se fait-ce, on y gaffe calanche, on y attend un fiacre ou se bute à soi-même, on y entend parfois le ventre creux des peuples hurlant à toutes carnes ...
Tout crime est un aveu ... Ici s'en garde un peu du feu d'humanité.